Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 228
Le jeudi 10 octobre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur l’assurance médicaments
- Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)
- Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial
- Les travaux du Sénat
- La sanction royale
- L’ajournement
- Banques, commerce et économie
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le jeudi 10 octobre 2024
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Hommages
L’honorable Diane Bellemare
L’honorable Pierre J. Dalphond : Chers collègues, dimanche, notre collègue Diane célébrera son 75e anniversaire. Au Québec, cela se fait parfois en chantant. J’ai donc pensé faire un discours chanté, comme lors du départ du sénateur Jean Lapointe.
Toutefois, je me suis rappelé ce que sœur Florida m’a dit lorsque j’étais en quatrième année, et je la cite : « Toi, le grand, en arrière, fais juste aller tes lèvres. »
La partie chantée de mes remarques se limitera donc à quelques mots : « Ma chère Diane, c’est à ton tour de te laisser parler d’amour. »
Je sais qu’il y a plein d’amour pour toi dans cette Chambre. Tout au long de ton parcours ici, certaines caractéristiques t’ont définie : d’abord, une grande indépendance d’esprit, qui a fait que tes prises de position ont toujours été le fruit de ta réflexion, et non d’une ligne de parti ou de groupe.
Ensuite, tu es une travailleuse assidue qui prépare soigneusement ses interventions au Sénat et ses projets à l’extérieur, dont l’un vient d’être couronné de succès avec une nouvelle réforme à la Banque du Canada.
Enfin, tu as un désir sincère de rassembler par la recherche de consensus, et non de provoquer la confrontation. Son dialogue social, c’est son projet de loi, c’est sa vision des choses.
Tu as embrassé avec ferveur le projet de réforme du Sénat et tu as accepté d’en être une participante active au sein du bureau du représentant du gouvernement, du Groupe des sénateurs indépendants et du Groupe progressiste du Sénat. C’est avec enthousiasme que les sénateurs indépendants du groupe progressiste t’ont désignée pour présider le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et pour travailler avec d’autres à la réforme du Règlement tout récemment au printemps dernier. Tu as d’ailleurs joué un rôle important dans l’adoption de ces dernières modifications qui continuent la réforme du Sénat.
Tu as aussi travaillé à briser le duopole qui prévalait dans notre Chambre jusqu’en 2015. Comme tu le mentionnais en avril dernier, tu souhaitais la création d’un groupe de sénateurs indépendants modelé sur les 184 cross-benchers que l’on retrouve actuellement à la Chambre des lords, en plus des groupes liés aux trois grands partis politiques britanniques. Tu disais même en avoir parlé à Brian Mulroney, qui t’avait confié que c’était une bonne idée, mais qui t’a conseillé d’attendre après le changement du gouvernement Harper.
Chère Diane, je te souhaite une belle retraite avec ton amoureux, ce cher Victor, qui est avec nous aujourd’hui, et le reste de ta belle famille que j’ai rencontrée à quelques occasions. Tu pourras compléter aussi, dans les semaines qui viendront, ton visionnement de tous les épisodes manqués de la série Game of Thrones.
Nos collègues perdent aujourd’hui une économiste réputée, mais moi, je sais que je continuerai de fréquenter une amie de mon quartier.
Merci et bravo, Diane!
Des voix : Bravo!
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs et sénatrices, j’ai le privilège de prendre la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre chère collègue Diane Bellemare et à son extraordinaire carrière, tant au Sénat que dans ses nombreuses fonctions antérieures.
Diane, d’un professeur à l’autre, j’ai toujours admiré votre passion pour l’éducation et le monde universitaire. Votre travail de recherche de solutions économiques pour la justice sociale est très apprécié et a laissé une marque indélébile, même si je dois admettre que je n’ai pas encore commencé à lire votre thèse de doctorat de 800 pages sur l’insécurité économique. Je pourrais peut-être profiter du congé de l’Action de grâce pour en commencer la lecture.
Comme si le fait d’avoir été professeure à l’Université du Québec à Montréal pendant près de 25 ans ne suffisait pas, la sénatrice Bellemare a également siégé au Conseil économique du Canada et au Conseil national de la statistique, tout en contribuant à la création du Forum pour l’emploi.
Il était donc tout à fait approprié que, à la suite de sa nomination dans cette Chambre en 2012, le premier discours de la sénatrice Bellemare ait été prononcé à l’occasion de la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs et qu’il ait porté sur la possibilité pour chacun d’occuper un emploi rémunéré dans le domaine de son choix.
Peu de temps après, la sénatrice Bellemare a indiqué sans équivoque qu’elle n’hésiterait pas à prendre des positions fermes sur les questions qui lui tiennent le plus à cœur et à dénoncer les politiques qui vont à l’encontre des intérêts de sa province.
L’indépendance de la sénatrice Bellemare et son engagement envers ses valeurs fondamentales n’auraient pu être plus clairs que lorsqu’elle s’est opposée au projet de loi C-377 au cours de la 41e législature. Ce souci d’indépendance s’est poursuivi lorsque la sénatrice Bellemare a rejoint le bureau du représentant du gouvernement en 2016 en tant que première coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat. Dans ce rôle, la sénatrice Bellemare ainsi que les sénateurs Harder et Mitchell ont mené le changement vers un Sénat plus indépendant, en veillant à ce que toutes les lois soient étudiées de manière adéquate et non partisane.
Diane, au nom du bureau du représentant du gouvernement, je te remercie pour tout le travail que tu as accompli afin de moderniser cette Chambre et d’améliorer cette nation, ainsi que pour ton amitié à notre égard, à mon épouse Nancy et moi, dès mes premières journées ici.
Je te souhaite succès et bonheur avec ta famille et tes proches dans ce prochain chapitre de ta vie. Tu vas nous manquer.
Des voix : Bravo!
(1410)
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre collègue l’honorable Diane Bellemare, qui se prépare à quitter officiellement le Sénat pour prendre sa retraite le 13 octobre 2024.
[Traduction]
Avant d’arriver au Sénat, Diane Bellemare a enseigné à l’Université du Québec pendant 25 ans. Étant moi-même une ancienne éducatrice, je sais à quel point la sénatrice Bellemare a pu contribué à façonner la vie de nombreux jeunes étudiants qui ne demandaient qu’à laisser leur marque sur le monde. La sénatrice Bellemare est aussi une économiste réputée et elle a siégé à de nombreux conseils et commissions au Québec.
Nommée au Sénat en 2012, la sénatrice Bellemare a fait partie de divers comités. Elle a par exemple présidé celui du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et elle a été membre de celui des banques, du commerce et de l’économie, pour donner seulement deux exemples. Sur le parquet du Sénat, elle s’est employée à servir les Canadiens et à représenter le Québec, dit « la belle province ».
Une relation de travail toute particulière s’est créée entre la sénatrice Bellemare et moi à l’époque où nous étions toutes deux leaders adjointes et que le Sénat était toujours dans l’édifice du Centre — c’était il y a longtemps. Nous nous réunissions pour planifier l’ordre du jour de la journée et nous passions notre temps à gravir et à descendre les escaliers, puisque son bureau était au deuxième étage et le mien, au troisième. C’était plus facile dans ce temps-là d’établir l’ordre du jour des séances, n’est-ce pas sénatrice Bellemare? Nous avons aussi siégé à plusieurs comités ensemble, et j’ai pu voir de mes yeux la fougue et le cœur que vous mettiez à faire votre travail de sénatrice.
Je tiens aussi à saluer les proches de la sénatrice Bellemare et à les remercier de l’amour et du soutien qu’ils lui ont témoignés tout au long de son séjour au Sénat.
[Français]
Sénatrice Bellemare, merci pour le service que vous avez rendu à notre pays et pour le travail que vous avez accompli au Sénat. Au nom du caucus conservateur, je vous offre nos vœux sincères de bonne santé et de prospérité, au moment où vous entamez le prochain chapitre de votre vie.
Des voix : Bravo!
L’honorable Chantal Petitclerc : Titulaire d’un doctorat en économie de l’Université McGill, professeure au Département de sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal, chercheuse associée au centre de recherche interuniversitaire CIRANO, économiste en chef et vice-présidente à la recherche du Conseil du patronat du Québec, conseillère politique, autrice, chroniqueuse télé, sénatrice.
Très chère sénatrice Bellemare, votre parcours est riche en expérience et en excellence. Aujourd’hui, c’est un plaisir, au nom du Groupe des sénateurs indépendants, de vous rendre hommage.
Vous êtes une femme de tête, bien sûr, mais aussi une femme de cœur. Permettez-moi d’abord de lire cette affirmation de la sénatrice Saint-Germain :
Plusieurs sénateurs membres des premières cohortes d’indépendants se souviendront, comme moi, de l’accueil généreux et de la disponibilité de la sénatrice Bellemare pour faciliter notre initiation. Elle a toute notre gratitude et notre reconnaissance.
Tout comme notre facilitatrice, je suis tout à fait d’accord avec cette affirmation.
[Traduction]
Sénatrice Bellemare, quand il est question d’indépendance, vous ne vous contentez jamais de belles paroles. Qu’il s’agisse des fonctions associées à votre poste, des travaux du Sénat lui-même ou de ses comités, des changements au Règlement ou de l’équité et de la justice entre sénateurs, votre contribution est toujours constructive, originale et assertive.
[Français]
Lorsque j’ai demandé à certains collègues quels mots vous décrivaient le mieux, ils ont été nombreux : libre pensée, rigueur, intelligence, sensibilité, ouverture d’esprit et gentillesse. De mon côté, j’admire votre passion pour les enjeux qui vous tiennent à cœur et votre capacité à garder le cap sur vos objectifs.
Comme plusieurs collègues, j’ai bénéficié de vos talents de vulgarisatrice. Votre capacité à décortiquer des projets de loi de nature économique complexe m’a été fort utile. Dans vos discours, vous analysez et expliquez de façon claire, articulée et pédagogique. Pour ceux qui ne sont pas économistes, vous êtes une mine d’informations; vous nous informez avec confiance et dans le respect des positions qui sont différentes des vôtres.
Sénatrice Bellemare, Diane, ma chère amie, les chances étaient plutôt minces qu’une athlète et une économiste aient des atomes crochus. Pourtant, dès mon arrivée au Sénat, nous avons tout de suite « cliqué ». Nous partageons un plaisir commun des bonnes tables, du bon vin et des longues conversations. Nos confidences et notre complicité vont me manquer. J’irais même jusqu’à dire que vos lancées passionnées en milieu de repas sur le plein emploi ou sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies vont me manquer.
Toutefois, je ne m’inquiète pas, je sais où vous trouver.
Chère sénatrice Bellemare, au nom de tous les sénateurs et sénatrices du Groupe des sénateurs indépendants, merci de votre contribution à un Sénat plus indépendant, moins partisan. Sénatrice Bellemare, vous allez nous manquer. Je ne vous souhaite que du beau et du bon pour cette retraite bien méritée.
Des voix : Bravo!
L’honorable Josée Verner : Honorables sénateurs, je souhaite prendre quelques minutes pour rendre hommage à ma collègue et amie l’honorable sénatrice Bellemare.
Elle nous quitte pour une retraite bien méritée, à la suite d’une longue carrière où elle aura laissé sa marque au Québec et ici, dans cette Chambre. Forte d’une expérience d’un peu plus de 20 ans comme professeure d’économie du travail à l’Université du Québec à Montréal, elle a ensuite emprunté un parcours professionnel distinctif. Elle a pu mettre à profit sa longue expérience universitaire, tout en conservant son indépendance d’esprit.
La sénatrice Bellemare a ainsi occupé plusieurs fonctions importantes, notamment au sein de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et du Conseil du patronat du Québec, deux organisations qui défendent souvent des positions bien différentes.
Que peut-on retenir de son parcours dans cette Chambre depuis sa nomination en 2012? Avec quelques sénateurs, elle a contribué à amorcer une petite Révolution tranquille au Sénat, lorsque, en mars 2016, ceux-ci ont jeté les bases du premier groupe non affilié à un parti politique.
Sa contribution en vue de moderniser notre institution ne s’est toutefois pas arrêtée là. Elle a participé aux travaux du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat et à ceux du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, pour que nos règles et nos pratiques reflètent des délibérations moins partisanes.
En toute confidence, j’ajouterais aussi qu’elle a participé à des rencontres informelles et amicales en ma compagnie et celle des sénateurs Greene et Massicotte. Quel était notre objectif? Réinventer le Sénat et parfois même le monde, dans la bonne humeur, au restaurant The Shore Club, où les huîtres étaient à l’honneur. J’en garderai de très bons souvenirs et j’espère qu’elle en fera tout autant.
À titre de première femme économiste du travail nommée au Sénat, elle a aussi mis de l’avant des enjeux liés au marché du travail et à l’emploi tout au long de son mandat. Son travail acharné a culminé avec l’adoption dans cette Chambre, le 18 juin dernier, de son projet de loi S-244, qui propose de constituer le Conseil de l’assurance-emploi.
De mon côté, et sur une note plus personnelle, je garderai un souvenir impérissable de son appui sincère lorsque j’ai dû combattre un cancer en 2015-2016. Au lendemain de chacun de mes multiples traitements, je recevais un appel téléphonique de ma collègue Diane. Essentiellement, c’était un message sincère d’encouragement et d’optimisme. Ces moments occuperont toujours une place importante dans ma mémoire et dans mon cœur.
En terminant, notre collègue poursuivra certainement plusieurs projets au cours des prochaines années. La famille étant toutefois ce que nous avons de plus précieux, je lui souhaite d’abord et avant tout de passer du bon temps en compagnie de ses proches. Merci.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Victor Altmejd, l’époux de l’honorable sénatrice Bellemare, de leurs enfants, Simon, Bliss et Sarah, de Marie-Soraya Ouerdane, de Mathieu, Hannah et Arielle Desforges et de Rénald Bellemare.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
(1420)
L’honorable Diane Bellemare
Remerciements
L’honorable Diane Bellemare : Merci beaucoup, tout le monde. Je rappelle également avec gratitude que nous sommes réunis sur les territoires non cédés de la nation algonquine anishinabe depuis des temps immémoriaux, et je suis très fière d’être ici, avec de nombreux sénateurs de partout et des sénateurs issus des peuples autochtones. Je remercie aussi mon groupe, celui avec lequel je termine cette aventure au Sénat du Canada.
Bien sûr, je suis très émue, donc je vais lire mes notes, parce que j’y ai travaillé fort, même si j’ai bien envie d’en débattre, mais je veux être certaine de garder une ligne claire.
Comme vous le savez, quitter le Sénat après 12 ans, avec autant de journées pleines d’adrénaline, cela ne peut pas se faire dans l’indifférence. C’est la première fois dans ma vie professionnelle que je suis la plus âgée — c’est vrai, j’ai toujours été la plus jeune depuis longtemps, mais là, je suis la plus vieille. Ma mère disait souvent : « C’est moi la plus vieille. » Je vais donc me permettre de vous parler de ce que j’ai appris en 12 ans. C’est vrai, j’ai changé d’affiliation à quelques reprises, mais j’ai toujours été fidèle à mon serment d’assermentation, et j’ai toujours écouté ma conscience.
Comme le remarquait la sénatrice Lankin mardi dernier, tous les sénateurs ici présents sont des premiers de classe, et c’est la première chose que l’on observe quand on arrive au Sénat. On se dit : « Oh, c’est intéressant. »
Dans mon cas, comme l’a écrit notre ex-collègue l’honorable André Pratte dans son livre sur le Sénat — et comme plusieurs l’ont indiqué —, je suis avant tout une intellectuelle. C’est par cela que j’acquiers mes expériences. On est supposé le faire par expérience, mais dans mon cas, l’expérience est venue après. J’ai d’abord été professeure; j’ai enseigné la politique publique, puis j’ai fait un grand stage concret au gouvernement du Québec. Après, j’ai décidé — parce que la ministre m’avait dit que si je voulais faire cela, je devais me présenter — de faire un saut dans l’action collective et la politique. Je suis maintenant au Sénat, qui était un meilleur emploi pour moi.
Mon aventure au Sénat ne faisait pas partie d’un plan de carrière. Je n’ai pas choisi de devenir sénatrice — à l’époque, on était appelé au Sénat. En 2012, quand on m’a approchée pour sonder mon appétit, j’ai évidemment été flattée, mais j’étais en train d’écrire un livre, Créer et partager la prospérité : sortir l’économie canadienne de l’impasse, et j’essayais de faire la paix avec l’idée de la retraite — j’avais 63 ans. Je suis contente d’avoir accepté cet honneur et privilège dont je ne mesurais pas toute la portée quand le sénateur Carignan, que je connaissais peu, m’a appelée pour me dire : « Vous êtes sur une courte liste, êtes-vous intéressée? » J’ai été nommée au Sénat en septembre 2012 par le très honorable Stephen Harper, que je remercie de sa confiance.
À cette époque, le Sénat venait de traverser une crise existentielle qui avait commencé en 2013 autour de ce que les médias appelaient le « scandale des dépenses au Sénat » — cela venait me chercher chaque fois que j’écoutais les nouvelles. Tous les sénateurs, et en particulier ceux qui avaient été récemment nommés, ont été traumatisés par cette expérience. Toutefois, cette crise a mis en lumière une réalité décrite par le juge Charles Vaillancourt dans sa décision qui exonérait l’ex-sénateur Duffy, au sujet de la mainmise du Cabinet du premier ministre sur les affaires du Sénat.
Plusieurs politologues ont décrit à quel point il est facile pour un premier ministre de contrôler le Sénat quand celui-ci est bipartite, c’est-à-dire composé de deux caucus, et que c’est le premier ministre qui décide des nominations.
Depuis les débuts de la Confédération, la réalité est que le Cabinet du premier ministre a toujours agi de manière à obtenir une majorité des votes dans les deux Chambres. Il suffit alors au parti au pouvoir d’imposer sa ligne de parti au Sénat au moyen d’un système informel de récompenses et de punitions et le tour est joué. Toutefois, je dois reconnaître que certains sénateurs, souvent ceux de l’opposition, ont parfois trouvé des moyens de s’opposer efficacement quand c’était nécessaire. Ce n’est pas quand il y a une ligne de parti que l’opposition est toujours silencieuse.
Chers collègues, et en particulier ceux et celles qui ont été récemment nommés au Sénat, ne soyez pas surpris de vous demander à l’occasion sur quelle planète vous êtes tombés. Ce fut mon cas aussi. C’est pourquoi j’ai entrepris dès mon arrivée de faire une petite recherche sur les sénats dans le monde. Étant économiste de formation, mon conseiller de l’époque, Étienne Gabrysz-Forget, et moi avons travaillé à faire de nombreux tableaux statistiques des sénats du monde pour obtenir des réponses aux questions que nous nous posions.
Est-ce que le bicaméralisme est en bonne santé? Est-il en progression ou en régression dans le monde? Je voulais savoir si les sénateurs sont généralement nommés ou élus. Quelle est l’étendue de leur mandat et de leur pouvoir? Quels sont les sénats bipartites, comme celui du Canada? Existe-t-il des sénats indépendants?
Cette recherche existe toujours; elle date, et ce serait intéressant de la remettre à jour, mais je peux vous dire que les sénats bipartites sont plutôt rares. À part aux États-Unis et dans quelques petits pays insulaires du Commonwealth, il y a peu de sénats dans le monde où il y a seulement deux groupes ou caucus.
À cette époque du Sénat bipartite au Canada, et c’est le cas encore aujourd’hui, les sénateurs sont nommés jusqu’à l’âge de 75 ans, alors que, dans la majorité des sénats du monde, les sénateurs sont élus. Cela a des inconvénients, mais aussi des avantages.
C’est au moyen de cette étude comparative et d’autres lectures que j’ai vite compris que, pour assurer l’indépendance institutionnelle du Sénat, il fallait qu’il existe au moins trois groupes ou caucus, pour qu’il devienne difficile pour un groupe d’obtenir une majorité absolue et qu’il ne puisse être contrôlé par le parti au pouvoir.
À la suite de cette étude et après mes lectures, avec l’ère du temps et en raison de la crise que nous vivions, j’ai commencé à répéter, quand je le pouvais, qu’il était nécessaire de briser le bipartisme. À cet effet, le groupe des crossbenchers à la Chambre des lords s’imposait comme un modèle possible pour le Sénat du Canada.
J’aimerais vous raconter un peu plus en détail l’anecdote à laquelle le sénateur Dalphond a fait allusion. À l’été 2015, j’étais encore affiliée au caucus conservateur, et plusieurs sénateurs, libéraux comme conservateurs, se questionnaient sur l’avenir du Sénat. Les sénateurs Greene et Massicotte ont organisé un colloque et mené un sondage pour connaître l’opinion des sénateurs sur différentes questions. Pour ma part, je plaidais l’importance d’avoir un Sénat constitué de plusieurs groupes, mais je n’étais pas certaine jusqu’où je pouvais aller dans mon rôle de sénatrice qui appartenait à un caucus.
Grâce à l’ingéniosité de ma conseillère de l’époque, Natasha Entwistle, qui travaillait à mon bureau, j’ai obtenu un rendez-vous en tête-à-tête avec le très honorable Brian Mulroney. Alors que je lui expliquais mes malaises existentiels et que je lui expliquais mes solutions, il m’a interrompue pour affirmer ceci :
C’est clair, il faut plus de deux groupes au Sénat pour faire échec à la dominance du Bureau du premier ministre.
Il avait déjà été premier ministre lui-même et il connaissait la dynamique. Il m’a confirmé que j’avais raison dans mon analyse et dans la nécessité de changer les choses. Quant à mon intention de travailler à la création d’un troisième groupe, il a ajouté : « Peut-être que vous pourriez avoir une petite gêne, attendez après les prochaines élections » — élections qui allaient se produire à l’automne 2015.
J’ai suivi le conseil du très honorable Brian Mulroney et c’est le 8 mars 2016, quelques mois après les élections, que je suis devenue indépendante, ou non affiliée, avec d’autres sénateurs non affiliés, dont la sénatrice Ringuette, qui suggérait alors de mettre en place des caucus régionaux. Elle aussi était arrivée à la conclusion qu’il fallait plus de deux caucus, et nous sommes les deux seules qui avons, à ce moment-là, créé le Groupe des sénateurs indépendants. Au début, ce groupe était informel, car il ne satisfaisait pas aux conditions prévues au Règlement pour obtenir une reconnaissance officielle.
(1430)
De retour à mon expérience avec le Parti conservateur. J’ai beaucoup appris et cela m’a amenée à réfléchir à d’autres sujets. Je me disais : « Si je ne veux pas suivre la ligne de parti, comment puis-je prendre des décisions sur les projets de loi qui arrivent dans cette Chambre? Je devrais avoir de bonnes raisons si je ne veux pas suivre la ligne de parti pour m’opposer à des projets de loi qui viennent de l’autre endroit et qui sont généralement adoptés par l’autre endroit. » Je me suis demandé quels étaient les critères objectifs qu’un projet de loi adopté à la Chambre des communes doit respecter pour obtenir mon vote. C’est ce que j’appliquais.
C’est ainsi qu’en 2016, j’ai proposé une motion au Sénat, mieux connue sous le nom de « motion no 89 », qui visait à modifier le Règlement pour obliger les comités qui étudient des projets de loi, surtout ceux provenant des sénateurs et des députés, à inclure dans les rapports déposés ici, à titre d’observations, des réponses à une série de questions importantes qui pourraient motiver l’adoption ou le rejet d’un projet de loi.
Ces questions étaient, par exemple : est-ce que le projet de loi respecte la Constitution, la Charte des droits, les traités autochtones, les accords internationaux et la vie privée? Est-ce que des personnes ou des groupes ont présenté de fortes objections en comité? Si oui, lesquelles? Y a-t-il eu un processus de consultation? Quel est l’impact régional d’un projet de loi, s’il y en a un, et doit-on s’en préoccuper? Y a-t-il des erreurs dans le projet de loi? Les versions anglaise et française sont-elles conformes?
C’est une liste d’éléments, me semble-t-il, qu’il serait utile d’avoir pour les personnes qui ne siègent pas au comité et qui n’ont pas le temps de lire tous les témoignages qui ont été entendus. Cette motion, comme je l’ai dit, visait à donner, de manière succincte, l’information nécessaire à tous les sénateurs qui ne participaient pas à l’étude, afin qu’ils comprennent mieux les débats et qu’ils se fassent une opinion. Elle permettait également d’encadrer l’utilisation de notre pouvoir de veto sur des projets de loi adoptés à l’autre endroit avec l’appui de tous les partis ou presque.
Je me disais que je n’avais pas le droit de m’opposer à un projet de loi seulement parce qu’il ne me plaisait pas. Je crois que nous n’avons pas vraiment le droit, même si nous en avons le pouvoir, de refuser l’adoption d’un projet de loi qui a reçu l’appui manifeste de l’autre Chambre. Agir ainsi revient à participer à une joute politique dans laquelle nous ne sommes pas des acteurs légitimes. Nous n’avons pas, à mon avis, la légitimité politique de l’arrogance. Nous sommes une Chambre qui doit se placer au-dessus de cela.
La motion no 89, comme vous le savez, n’a pas été adoptée. Elle a été discutée pendant les travaux du Comité sur la modernisation et on retrouve des traces de ces discussions dans les rapports du comité. Personnellement, j’utilise cette grille d’analyse quand je m’interroge sur un projet de loi, et à plus forte raison sur des projets de loi émanant des députés et des sénateurs, surtout quand le projet de loi ne me plaît pas. Je regarde ma liste, cela ne me plaît pas, mais cela y est, donc je vote en faveur du projet de loi si tous mes critères sont respectés. Tout cela me permet de juger d’un projet de loi adopté dans l’autre Chambre, et ce, à l’abri de mes préférences personnelles. Après tout, aucune personne, si brillante soit-elle, ne peut apprécier tous les points de vue d’une réalité. C’est beaucoup trop complexe.
La motion n’a pas été adoptée, mais peut-être réfléchirez-vous un jour à étudier de nouveau une motion de ce genre.
C’est en mai 2016 que j’ai accepté l’invitation du sénateur Harder, qui était le premier représentant du gouvernement au Sénat, à jouer le rôle de coordonnatrice législative, qui est un titre inventé — l’opposition le sait, c’est un titre inventé —, alors que le sénateur Grant Mitchell est devenu le premier agent de liaison. Ce fut une période très intense dans ma vie au Sénat, surtout que je n’avais pas l’expérience pratique du Règlement. Je ne le connaissais pas sur le bout de mes doigts, comme certains collègues de l’opposition. C’est une chose de lire le Règlement, mais c’est autre chose de l’utiliser en pratique. Je suis très fière d’avoir pu travailler avec les sénateurs Harder et Mitchell, que j’estime beaucoup.
À l’époque, nous n’avions jamais l’assurance que les projets de loi du gouvernement seraient adoptés. C’est arrivé à quelques reprises que les projets de loi du gouvernement obtiennent la sanction royale par une seule voix. Néanmoins, dans le cas d’un projet de loi que je parrainais — c’était le cas — et dont le porte-parole était le redoutable, mais néanmoins sympathique sénateur conservateur Tannas, on a réussi à faire adopter le projet de loi. C’était celui qui abrogeait des projets de loi qui étaient jugés antisyndicaux par plusieurs, y compris moi.
J’y vais d’une petite anecdote au passage sur le premier budget. À cette époque, le groupe des sénateurs conservateurs, qui formait l’opposition, avait la majorité des sièges, et certains sénateurs libéraux ne coopéraient pas toujours avec le gouvernement Trudeau à la suite des événements que l’on connaît, qui ont mis fin au caucus national des libéraux. Le budget a alors été adopté par une voix — le budget par une voix —, parce qu’un nombre exact de sénateurs conservateurs se sont absentés de la Chambre lors du vote. Le leader de l’opposition officielle, qui était à l’époque Claude Carignan, savait compter. Je dois vous dire que Peter, Grant et moi avons eu des sueurs froides. Après le vote, comme vous pouvez vous l’imaginer, nous nous sommes mis à rire pour soulager notre tension.
Plusieurs connaissent la suite de mon histoire. À l’automne 2019, j’ai rejoint le Groupe des sénateurs indépendants, que j’ai quitté en 2021 pour rejoindre le Groupe progressiste du Sénat, le GSI, avec lequel j’avais et j’ai toujours des affinités particulières.
Sachez, chers collègues et chers amis, que j’ai du respect pour tous les sénateurs, peu importe leur affiliation. Si j’ai changé de groupe, c’est en raison de différends. Dans le cas du GSI aussi, c’était en raison d’un différend concernant une vision différente d’un Sénat indépendant. En tout respect pour mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, j’aimerais quand même parler de la nature de ce différend, qui a été à l’origine de mon départ. Je dois dire que, à mon avis, je l’ai fait pour protéger le multipartisme au Sénat du Canada. Ce différend concernait la portabilité des comités.
Conformément au Règlement — je dis cela pour les nouveaux sénateurs pour que vous l’appreniez, c’est important —, un sénateur qui quitte un groupe reste membre du comité assigné au début de la session, et ce, jusqu’à la fin de la session, qui peut se produire lors d’une prorogation ou du déclenchement d’une élection. L’article 12-2(2) du Règlement date des temps immémoriaux. Il a été codifié dans le Règlement à la fin des années 1960 et le libellé que l’on connaît, qui est un peu plus restrictif que celui de 1960, date de 1972. Cela fait longtemps. On retrouve également cet article dans d’autres sénats dans le monde qui, eux aussi, sont régis par le multipartisme.
Or, depuis quelques années, cet article a été suspendu, de sorte qu’un sénateur qui quitte un groupe ou un caucus ne peut plus faire partie des comités auxquels il siégeait. L’article figure toujours au Règlement, mais il est suspendu pendant cette session en raison d’une motion adoptée au début de la session. Je suis contre cette façon de faire, parce que cette règle soutient, à mon sens, l’indépendance du Sénat. Elle assure un équilibre entre l’équité entre les groupes et l’équité entre les sénateurs.
Je dirais que cette règle est sage. Elle protège un principe fondamental, soit celui d’assurer à chaque sénateur la possibilité de continuer son travail en comité, et ce, avec l’intégrité des privilèges conférés par le statut de membre officiel. Cette règle est bonne pour le sénateur et pour le Sénat. Pour ceux et celles qui connaissent bien les principes philosophiques de John Rawls, cette règle serait certainement adoptée sous le voile de l’ignorance par des individus égaux et rationnels. Pour plus de détails sur les principes de John Rawls — je ne serai plus là, mais mon voisin le sénateur Gold, qui est aussi professeur de droit, est un grand connaisseur des principes de John Rawls.
Je parle de cet article avec conviction, parce qu’il assure une saine mobilité entre les groupes de sénateurs. En 2015, cet article a permis aux sénateurs qui souhaitaient devenir non affiliés de le faire, tout en leur permettant d’assumer leur responsabilité constitutionnelle au Sénat. Obliger un sénateur à quitter son siège de comité s’il quitte un groupe, c’est le punir d’agir selon sa conscience. Cela nuit à l’indépendance du Sénat.
(1440)
Chers collègues, avant d’arriver aux remerciements, soyez convaincus que le Sénat est une institution importante et que notre travail l’est tout autant. Lorsqu’on arrive ici, on peut penser que le Sénat est une formalité obligée avant la sanction royale. Aujourd’hui, je sais que ce n’est pas le cas. Sachez que vous allez vite l’apprendre. Le Sénat est une institution politique qui a d’énormes pouvoirs, bien différents de ceux de la Chambre des communes. Ce n’est pas notre rôle de gouverner, mais nous sommes les remparts de la démocratie, comme le souligne le titre d’un livre publié par l’honorable Serge Joyal. Nous veillons à ce que les choix démocratiques exprimés lors des élections respectent le bien-être de tous les Canadiens et des peuples autochtones. Pour reprendre une expression sportive, nous sommes surtout des joueurs de défense.
Pour rester important et apprécié des Canadiens, le Sénat doit demeurer indépendant des joutes partisanes, respecter les choix démocratiques et faire preuve de retenue, comme l’a bien exprimé le regretté sénateur Shugart. Si notre travail est surtout de protéger la démocratie, nous pouvons aussi être visionnaires et apporter un certain éclairage sur les enjeux qui concernent la politique publique à moyen et long terme. Nous en avons la possibilité ainsi que le devoir.
J’aurais bien voulu vous parler plus longuement du dialogue social, du dialogue entre les gouvernements et les groupes socioéconomiques et du dernier rapport d’Horizons de politiques Canada, intitulé Perturbations à l’horizon 2024, dans une interpellation qui est au Feuilleton et Feuilleton des préavis. Cela ne sera pas possible.
J’aimerais quand même porter à votre attention ce document qui fait état de 35 perturbations majeures et probables qui pourraient affecter le bien-être des Canadiens à moyen terme. On y parle notamment des problèmes démographiques du Canada, de l’immigration, d’une intelligence artificielle qui se déchaîne, d’une mobilité descendante qui deviendrait la norme, de nourriture qui se fait rare, des hommes et des jeunes adultes mâles en crise, des gens qui ne peuvent pas dire ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, de conflits de valeurs qui divisent la société, d’énergie qui se fait rare, d’endettement des ménages à un point critique et j’en passe. Horizons de politiques Canada demande aux différentes instances publiques, ministères, gouvernements et partis politiques d’en tenir compte dans leurs projets et leurs travaux. Je pense que le Sénat est la Chambre du Parlement qui se doit de réfléchir sur ces problèmes, notamment au sein des comités, afin de jouer pleinement son rôle de Chambre de seconde réflexion. Je vous invite à consulter ce rapport. Horizons de politiques Canada est un organisme de prospective encadré par le ministère de l’Emploi et du Développement social.
J’aimerais partager avec vous ma conviction de l’importance pour le Canada de mettre en place un dialogue institutionnalisé entre les gouvernements et les groupes sociaux et économiques. Je suis d’avis que nous vivons une crise de gouvernance au pays en ce qui a trait aux politiques publiques nécessaires pour travailler ensemble à des solutions face aux enjeux et aux perturbations qui nous guettent. Vous devez l’avoir constaté vous-même en comité, quand on a plusieurs projets de loi qui viennent de députés ou de sénateurs, qui sont là pour combler un vide, mais qui manquent de cohérence et d’envergure. Comme vous le savez, il peut être beaucoup plus difficile de susciter une action collective coordonnée dans les sociétés libres et démocratiques que dans les sociétés autoritaires. Toutefois, cette action collective coordonnée y est tout aussi nécessaire. Au Canada, il faut absolument fortifier et institutionnaliser le dialogue entre les gouvernements et les partenaires socioéconomiques, comme cela se fait ailleurs dans le monde, car la main invisible des marchés ne suffit pas. Les sénateurs peuvent susciter et promouvoir ce dialogue. Nous en avons le pouvoir et la possibilité. Je fais ici une petite publicité : allez lire le dernier chapitre rédigé par un groupe de sénateurs pendant la pandémie. Sous la présidence du sénateur Harder, nous avons examiné ce que nous devions faire. Nous avons entendu des témoignages nationaux et internationaux. Ce fut très intéressant. Nous nous réunissions deux fois par semaine. Nous savions quoi faire. Tout le monde le sait. L’idée n’est pas de savoir le faire, mais comment le faire, surtout au Canada dans notre régime confédéral. C’est très compliqué.
Chers collègues, en conclusion, votre travail est important. Prenez-le au sérieux. En même temps, ne vous prenez pas trop au sérieux. Parfois, il est difficile, quand on a des revers, de se prendre trop au sérieux.
J’en arrive maintenant à mes remerciements, chers collègues. Tous mes remerciements vont à l’équipe du Sénat, qui assure notre bien-être matériel et notre sécurité physique; tout le personnel qui nous transporte d’un édifice à l’autre et qui nous permet d’œuvrer dans un bel endroit propre et lumineux; tous les agents qui nous protègent aussi. J’adresse des remerciements particuliers à Greg Peters, l’huissier du bâton noir. Je veux également remercier tout le personnel qui travaille au quotidien, dans l’ombre, pour que nous puissions accomplir ce que les Canadiens attendent de nous. Je remercie les interprètes, sans lesquels nous ne pourrions communiquer entre nous; tous les responsables de l’audiovisuel, qui permettent aux Canadiennes et Canadiens de juger de notre travail; tous les pages, qui assurent notre confort au quotidien; tous les greffiers, qui nous entourent et qui s’assurent que nous sommes bien informés et que les séances à la Chambre et en comité se déroulent bien. Je vous dis un gros merci.
J’éprouve une grande admiration pour la Présidente du Sénat, qui nous écoute toujours et qui fait un travail exemplaire, ainsi que pour la Présidente intérimaire, qui gère avec aplomb nos travaux avec aplomb.
Je veux remercier toutes les personnes qui ont travaillé avec moi dans mon bureau au fil des années, qui m’ont aidée à assumer mon rôle de sénatrice et m’ont fait bien paraître, comme dit souvent le sénateur Dawson. Je pense à Anaida Galindo, qui m’a aidée dans mes premières années au Sénat à apprivoiser mon rôle de sénatrice. Je pense aussi à Nassim Derdouri ainsi qu’à Étienne Gabrysz-Forget, qui a quitté cette terre et dont je vous ai déjà parlé. Merci à Natasha Entwistle, Véronique Valenti, Alexis Fafard, Eline Hu et à tous ceux et celles qui ont travaillé au bureau du représentant du gouvernement au Sénat.
J’adresse des remerciements particuliers à Amélie Crosson et Marty McKendry, toujours disponibles pour me conseiller. Un merci tout spécial à Julie Labelle-Morissette, avec qui j’ai eu le bonheur de travailler, qui alliait intelligence et gentillesse et qui m’a soutenue pendant six ans. Je remercie aussi Ermioni Tomaras, une avocate chevronnée qui était constamment attentive pour me soutenir au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, ainsi que dans la rédaction et le cheminement du projet de loi S-244. Je remercie également Jeremy Soucy et Alexandre Mattard-Michaud, avec qui j’ai fait équipe pendant quelques mois, mais dont j’ai de bons souvenirs.
Mon passage au Sénat n’aurait pas été le même, n’eût été l’appui constant d’un économiste du travail exceptionnel et ami avec qui j’ai travaillé pendant de nombreuses périodes de ma vie. Michel Cournoyer m’a soutenue tout au long de ce périple et bien avant encore, quand j’étais haute fonctionnaire au gouvernement du Québec.
Enfin, avant mes remerciements personnels, je tiens à remercier Anne Allard, qui travaille à mon bureau depuis près deux ans, sans qui ma vie au Sénat aurait été chaotique à cette période de fin de vie professionnelle. Je la remercie pour son dévouement, pour sa disponibilité et pour la belle personne qu’elle est.
J’ai aussi une pensée toute spéciale pour tous mes amis disparus : Lise Poulin-Simon, mon âme sœur, avec qui j’ai écrit plusieurs livres et qui est décédée beaucoup trop tôt, et le professeur Jack Weldon. Tous deux soutiennent encore, dans mon esprit, l’audace de mes projets et la force de mes ambitions.
Je veux également remercier tous les collègues qui savent écouter et tous ceux et celles avec qui j’ai eu des conversations particulières tout au long de ces années. Vous vous reconnaîtrez. Je veux remercier spécialement tous les sénateurs du Groupe progressiste du Sénat de leur chaleur et de leur amitié. Chers amis, je vous aime.
Enfin, ma famille et mes amis. J’adresse des remerciements spéciaux à mon conjoint, Victor Altmejd, un immigrant venu au Canada en 1969 comme réfugié juif polonais. Il est l’homme de ma vie et le père de mes deux enfants, Simon et Bliss, que j’adore et qui me gardent jeune de cœur.
(1450)
Victor est arrivé dans ma vie à l’aube de mes 40 ans — alors pas de souci pour celles qu’on qualifie de « vieilles filles ». Il est arrivé accompagné de deux beaux et merveilleux adolescents, David et Sarah, que j’aime comme mes enfants. Il m’a donné la possibilité d’avoir une famille plus nombreuse qu’attendu et des petits-enfants. Je le remercie de m’avoir donné la possibilité de connaître ce qu’est la maternité, pour son encouragement continu dans tout ce que j’ai entrepris et pour son ambition pour moi. Sans lui, je ne serais pas ici. Merci, Victor, et merci à Bliss, Simon, Sarah, David et aux petits-enfants Arielle, Élie, Isaac et Hannah, qui sont ici. J’ai bien l’intention de profiter davantage de bons moments avec chacun de vous. Je remercie aussi mon frère, ma belle-sœur, mes sœurs ainsi que mes parents, aujourd’hui disparus, pour ce qu’ils ont fait pour moi. Enfin, merci à tous mes amis d’avoir continué à conserver des liens avec moi pendant ces 12 années où j’étais moins disponible. J’ai du rattrapage à faire.
J’ai aimé ma vie au Sénat. Chers collègues, vous allez me manquer. Je vais vous suivre. C’est un au revoir et on se reverra peut-être dans une prochaine aventure! Merci.
Des voix : Bravo!
Hommages
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs et sénatrices, Diane, je ne peux pas commencer mon discours sans te dire qu’aujourd’hui, tu es peut-être la plus vieille parce que comme économiste, tu regardes le chiffre 75, mais à mes yeux, et aux yeux de l’ensemble de tes collègues, je crois, tu es loin de 75, tu es plutôt à 50 en frais d’énergie.
C’est avec un sentiment doux-amer que je prends la parole aujourd’hui pour souligner la retraite de la sénatrice Bellemare, qui a été nommée au Sénat en 2012 par le premier ministre Harper.
Dès son arrivée au Sénat, la sénatrice Bellemare a gagné le respect de ses pairs grâce à ses interventions éclairées et aux nombreuses années consacrées aux dossiers socioéconomiques et politiques afin de soutenir le plein emploi en tant que fondement de notre économie et élément de justice sociale. Elle n’a jamais dérogé à ces principes, qui sont au cœur de sa vie professionnelle et qui la caractérisent.
En mars 2016, après réflexion, elle s’est jointe à moi et aux sénateurs Wallace, Rivard, Demers et McCoy pour se lancer sur le chemin de l’indépendance du Sénat et des sénateurs. Certes, ce fut une période difficile, particulièrement pour Diane, car le caucus conservateur l’a non seulement écartée des comités où elle siégeait, mais a également cherché à lui retirer son bureau.
Il faut dire que 2016 n’est pas hier, mais des efforts continus ont été nécessaires pour établir ce noyau consacré à l’indépendance pour tracer en quelque sorte une route vers l’avenir, où les nouvelles nominations de sénateurs et sénatrices indépendants pourraient se retrouver. Et voilà, quelque huit ans plus tard, 80 % des sénateurs sont indépendants, Diane!
Je profite de cette occasion pour remercier Diane pour sa fortitude, qui demeure aussi forte et intègre aujourd’hui qu’en 2016.
Affairée dans tous les forums sur la modernisation du Sénat, elle était toujours en train d’étudier les différentes chambres de par le monde pour voir si certaines options pouvaient nous servir d’inspiration.
On pourrait dire que Diane a un faible pour le modèle des crossbenchers. Jusqu’à présent, je ne suis pas partisane de ce modèle; on pourrait donc continuer le débat.
Chapeau à Diane pour son projet de loi S-244, qui modifie la gestion et qui intègre le dialogue social dans la Loi sur l’assurance-emploi. Bravo, Diane! Tu as réussi à entériner dans ce projet de loi ce qui est au cœur de toute tes initiatives : le dialogue public.
Diane, je te souhaite une bonne retraite. Je sais très bien que tu n’es pas du genre à te reposer quand il y a encore des défis à relever. Je serai toujours disponible pour toi.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, c’est avec beaucoup de fierté et une immense gratitude que je prends la parole pour remercier ma chère collègue.
Je n’ai pas besoin de reprendre les faits saillants de sa carrière ni d’exalter son intelligence et sa profonde contribution à notre assemblée, mais je me dois de rappeler l’immense service qu’elle nous a rendu en créant le bureau du représentant du gouvernement au Sénat et en lançant l’élaboration d’un cadre de fonctionnement visant à rendre le Sénat moins partisan et plus indépendant.
Lorsque je suis arrivé ici, en avril 2016, à titre de représentant du gouvernement au Sénat, je me sentais assez seul au milieu de tous les fauteuils vides. J’étais toutefois déterminé à trouver, pour mon équipe de collaborateurs, une personne qui s’inscrive dans la tradition conservatrice et une autre qui s’inscrive dans la tradition libérale. Ce ne fut pas aussi facile que ce que je croyais, mais tout a commencé à bien aller lorsque je me suis adressé à Diane et que je lui ai demandé si elle n’accepterait pas de collaborer avec moi. Elle m’a répondu : « Eh bien, je ne connais pas vraiment les règles, mais je suis économiste. » J’étais évidemment attiré par la personnalité que vous pouvez vous-mêmes apprécier aujourd’hui et que j’ai appris à connaître.
Je ne vous redirai jamais assez la chance que j’ai eue, Diane, lorsque vous avez accepté de courir ce risque circonstanciel en y engageant une partie de votre réputation.
Je ne peux pas vous dire à quel point il était agréable chaque matin, très tôt — même si Diane était toujours un peu en retard —, de prendre un café avec Grant Mitchell et de parler un peu de ce à quoi nous pouvions nous attendre au cours de la journée. Je pense qu’il est important de rappeler à ceux d’entre vous qui sont arrivés ces dernières années que l’institution que nous formons aujourd’hui n’est pas celle qu’elle était il y a huit ans. En grande partie, les changements trouvent leurs racines dans le cadre intellectuel fourni par Diane.
Je tiens donc à vous remercier publiquement de votre contribution et de votre amitié. Vous êtes la seule voisine de banquette que j’ai eue, et je dois maintenant trouver un deuxième partenaire.
Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire de la nation algonquine anishinaabeg pour chanter les louanges de notre bien-aimée et toujours très élégante collègue, la sénatrice Diane Bellemare, la remercier sincèrement et lui dire au revoir. Diane est une brillante économiste et une leader ambitieuse, accomplie, empreinte de compassion, très déterminée et vaillante. Elle a été un modèle pour moi et pour beaucoup d’autres sénateurs.
Nommée au Sénat par le premier ministre Harper en 2012, Diane a toujours été une leader farouchement indépendante depuis. Dans tout ce qu’elle a accompli, avant et depuis son arrivée au Sénat, la sénatrice Diane Bellemare a intégré ses valeurs, qui se reflètent dans les domaines où elle a choisi de s’investir.
[Français]
Diane est très humaine, très chaleureuse et très rigoureuse. Elle valorise la collaboration. Elle appuie et favorise les questions d’équité et des droits de la personne; les droits des personnes transgenres lui tiennent à cœur. Elle se soucie du changement climatique et elle est membre des Sénateurs pour des solutions climatiques — merci pour ton appui, Diane. Elle s’intéresse à la façon dont on peut créer la prospérité et en même temps, elle est consciente de la nécessité de la partager.
(1500)
La sénatrice Bellemare s’occupe des travailleurs, des jeunes, de la main-d’œuvre, de l’emploi, du chômage, de la sécurité du revenu, des compétences et de la formation.
Diane Bellemare est une championne du dialogue social et elle croit au pouvoir de réunir le gouvernement, les syndicats, les employeurs et les entreprises.
Sa première déclaration au Sénat était à l’occasion du 1er mai, Journée internationale des travailleurs. Je cite quelques extraits de son discours :
[...] [je parle] d’un thème qui me tient à cœur et qui est également important pour vous, soit la possibilité pour chacun de pouvoir occuper un emploi rémunéré dans un domaine de son choix.
L’emploi est la pierre angulaire du développement économique et social. De fait, le développement découle de l’emploi.
Elle a conclu en disant ceci :
Honorables sénateurs, je vous invite à mettre l’emploi au cœur de vos préoccupations respectives, car c’est ainsi que, comme société, nous pourrons réaliser l’objectif qui nous tient tous à cœur : une prospérité partagée.
[Traduction]
Honorables collègues, nous avons entendu parler aujourd’hui de tout le travail important que la sénatrice Bellemare a effectué avant de se joindre à notre assemblée, de ses nombreux rôles et accomplissements au Sénat, ainsi que de la marque qu’elle y a laissée. Je crois que la meilleure façon de remercier et d’honorer la sénatrice Bellemare est de poursuivre ses efforts pour assurer la prospérité de tous les Canadiens.
[Français]
Bonne retraite, Diane. Vous êtes bien aimée. Merci beaucoup.
L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une parlementaire exceptionnelle, la sénatrice Diane Bellemare, une grande Québécoise et Canadienne.
Comme bon nombre de collègues l’ont déjà souligné, son parcours exemplaire est source de respect et d’inspiration. Moi qui ai toujours milité dans ma carrière pour libérer les femmes du syndrome de l’imposteur, j’ai été impressionnée, dès ma nomination au Sénat, que mon pupitre soit à proximité du sien ici, dans le Groupe progressiste du Sénat.
Qu’il s’agisse de sa carrière de professeure et d’économiste reconnue, de sa passion pour le dialogue social et institutionnel ou encore de la promotion de la belle province que nous représentons tous, le Québec, la sénatrice Diane Bellemare a toujours su défendre brillamment ses idées et ses convictions.
Je retiens aussi de la sénatrice Bellemare sa grande estime du rôle de parlementaire, comme elle l’a expliqué plus tôt, ainsi que la rigueur et le dévouement qu’elle y rattache. Elle a d’ailleurs eu les mots suivants, et je cite :
[Le Sénat] est une institution qui est sous-estimée, mal aimée, et fortement critiquée. Il y a des raisons pour cela, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Elle a ajouté que notre rôle est de veiller à ce que le bicaméralisme fonctionne bien au Canada et que les Canadiens puissent être fiers de leur Sénat.
À mon sens, il est indéniable que la sénatrice Bellemare a participé à ce que notre institution rende nos concitoyens fiers.
Ma chère Diane, vous avez été une vraie source d’inspiration pour moi et je suis privilégiée de vous avoir désormais comme amie et mentore pour l’éternité.
Après ce magnifique mandat au service des Canadiens, il est grand temps de profiter d’un repos bien mérité auprès de votre douce moitié, Victor, qui doit avoir bien hâte de vous garder auprès de lui, et ce, même lorsque le Sénat siège. Vous serez toujours à ses côtés.
Je vous souhaite une magnifique retraite, et au plaisir de partager un repas dans un buffet africain à Montréal.
L’honorable Marilou McPhedran : Chère sénatrice Bellemare, que peut-on dire de vous?
Ceux d’entre nous qui ont vécu et travaillé dans le cadre institutionnel particulier d’une université connaissent la joie spéciale et les difficultés qui accompagnent ce privilège.
Il est peut-être poétiquement approprié que la sénatrice Bellemare, qui a passé ses années formatrices dans le milieu universitaire, ait également consacré ses dernières années à une autre institution tout aussi spéciale, le Sénat du Canada. Elle partage ainsi à nouveau son expertise avec un nouvel ensemble d’étudiants, bien que ces derniers soient plus âgés.
Dites-nous, chère sénatrice, quel groupe a fait les meilleurs élèves?
[Traduction]
Je me suis parfois demandé d’où venaient votre empathie et votre capacité à respecter le point de vue de chacun, mais bien sûr, c’est parce que vous êtes plus qu’une universitaire et plus qu’une sénatrice. Votre influence s’étend au-delà de ces deux milieux. Vous avez par exemple directement contribué à la création du Forum pour l’emploi, une association à but non lucratif qui fait la promotion de l’emploi en réunissant de grands décideurs de plusieurs horizons.
Vous êtes de celles qui créent des liens entre les gens, vous êtes une innovatrice et, par-dessus tout, vous êtes une femme de cœur qui a un sens immense du respect et de l’inclusion. Je le sais parce que nous sommes toutes deux mères de magnifiques êtres humains queers.
Bien que vous apparteniez sans l’ombre d’un doute à la classe dirigeante de notre institution, vous avez toujours sincèrement tenté de donner un sens au principe encore théorique selon lequel tous les sénateurs sont égaux en usant de votre autorité à titre de présidente du Comité du Règlement pour aborder la question de front.
Ma chère Diane, les sénateurs ont le privilège de pouvoir siéger pendant une période considérablement longue. La longévité permet de mieux comprendre ses dossiers, de les étudier davantage en profondeur et d’en faire un suivi plus assidu. Elle permet d’avoir un portrait complet de la situation et du paysage politique et de faire passer les changements générationnels avant les pressions de l’immédiat. Elle nous donne la chance d’aller au fond des choses et de faire contrepoint à l’autre endroit, où les changements rapides constituent plutôt la norme.
La longévité nous donne également l’extraordinaire privilège, parfois sur de longues années, d’approfondir nos relations, de nous observer les uns les autres et d’admirer le caractère, l’intégrité et la sincérité de nos collègues, que ce soit en paroles ou en actions.
Ce fut un honneur de vous voir agir ainsi. Les adieux comme celui-ci sont toujours doux-amers. Aujourd’hui, nous disons au revoir à une grande dame.
[Français]
Sénatrice Bellemare, vous allez me manquer et je vous remercie d’être la personne que vous êtes.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Daniel Baker. Il est l’invité de l’honorable sénateur Aucoin.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Daniel Baker
Félicitations à l’occasion de son exploit sur la Cabot Trail
L’honorable Réjean Aucoin : Honorables sénateurs, je souhaite longue vie et bonne retraite à la sénatrice Bellemare.
Honorables sénateurs et sénatrices, nous avons tous nos idoles et nos champions. Les olympiens et olympiennes qui représentent le Canada partout dans le monde méritent tous nos éloges et notre admiration pour leur courage, leur ténacité, leur endurance et leur humanité. Nous en avons deux exemples au Sénat : les sénatrices McBean et Petitclerc.
Aujourd’hui, je veux vous parler d’une personne bien ordinaire qui a accompli l’extraordinaire et qui a gagné toute mon admiration — avant aujourd’hui, il ne le savait même pas.
La Cabot Trail est une route panoramique qui sillonne une partie de l’île du Cap-Breton sur 300 kilomètres entre mer et montagnes, parsemée de petits villages nichés le long de la côte, y compris mon village de Chéticamp. La vue est très belle en voiture, mais à vélo, c’est époustouflant.
(1510)
Depuis 15 ans, dès la fonte des neiges, je m’entraîne en vue de conquérir la French, la North, la Mackenzie et la South. La Cabot Trail est la deuxième destination vélo en Amérique du Nord. Les cyclistes amateurs de partout viennent faire ce parcours, bien qu’il n’ait pas de bande cyclable et que cette route ne soit pas réservée uniquement au vélo. C’est un circuit de 300 kilomètres où, dès la première journée, on traverse trois montagnes avec des dénivelés de plus de 1 950 mètres sur 95 kilomètres et des montées de 14 % dans la North.
Je me pense bon puisque, en 2024, j’ai encore réussi à grimper la montagne North sans m’arrêter, une montée de 4 kilomètres qui a entre 9 % et 14 % de dénivelé. J’utilise le terme « grimper » pour décrire cette montée, car si j’allais plus doucement, je tomberais en bas de ma bicyclette. Pour ce faire, il me faut toute mon énergie physique et mentale.
Je connais de très bons cyclistes qui réussissent à le faire en une journée et je les admire. Comme je vous l’ai dit, je me pense bon avec mon vélo à 20 vitesses en carbone. Toutefois, il y a quelques années, voilà un homme bien ordinaire qui se pointe et se joint à notre groupe, les « Cyclepathes », organisé par John Gainer et John Grant. Certaines personnes peu sportives nous appellent les « Psychopathes ». Or, voilà Daniel Baker qui arrive d’Ottawa avec sa bicyclette bien ordinaire à une vitesse. On s’est tous regardé en se disant : « C’est impossible, pour qui se prend-il? » Eh bien, sans faire de bruit, sans faire de vagues et sans nous retarder ni se plaindre, Daniel Baker a conquis la Cabot Trail en trois jours avec son vélo à une vitesse.
[Traduction]
Je ne sais pas comment l’appellent ses amis et sa famille ici, à Ottawa. Par son nom, j’imagine, Daniel Baker. Mais pour moi et pour les cyclistes de la Cabot Trail, il sera toujours « One Gear Dan ».
[Français]
Mon champion, Daniel Baker!
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
L’étude des questions concernant les anciens combattants
Septième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants—Dépôt de la réponse du gouvernement
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au septième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, intitulé Le temps est venu : Permettre un accès équitable aux thérapies assistées par les psychédéliques, déposé auprès du greffier du Sénat le 8 novembre 2023.
(Conformément à l’article 12-23(4) du Règlement, cette réponse et le rapport initial sont renvoyés d’office au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.)
Projet de loi sur le Mois du patrimoine ukrainien
Présentation du vingt-sixième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :
Le jeudi 10 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son
VINGT-SIXIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-276, Loi instituant le Mois du patrimoine ukrainien, a, conformément à l’ordre de renvoi du 9 mai 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
La présidente,
RATNA OMIDVAR
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Dasko, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
Dépôt du quatrième rapport du comité
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport (provisoire) du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Rapport provisoire relatif à l’ordre de renvoi du 7 décembre 2023.
(Sur la motion de la sénatrice Seidman, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
La Loi sur la capitale nationale
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Rosa Galvez dépose le projet de loi S-289, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (parc de la Gatineau).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Galvez, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Le Sénat
Préavis de motion tendant à exhorter le gouvernement à appuyer la participation de Taïwan aux Nations unies
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Sénat prenne acte que :
a)la Résolution 2758 de l’Organisation des Nations Unies (ONU) de 1971 traite du statut diplomatique de la République populaire de Chine, mais ne déclare pas que la République populaire de Chine jouit de la souveraineté sur Taïwan ni ne se prononce sur la participation future de Taïwan aux Nations Unies ou à d’autres organisations internationales;
b)cette résolution est utilisée par la République populaire de Chine pour bloquer la représentation significative de Taïwan;
c)le Canada a également intérêt à ce que Taïwan soit représentée diplomatiquement dans des organisations telles que l’Organisation de l’aviation civile internationale et l’Organisation mondiale de la santé, et l’autorisation d’une telle représentation significative de Taïwan ne doit pas constituer un obstacle à la politique d’une seule Chine menée par le Canada;
d)la France et l’Australie, entre autres, ont décidé de ne pas suivre la nouvelle interprétation utilisée par la République populaire de Chine;
Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada :
1.à reconnaître que la Résolution 2758 de l’ONU ne porte pas de jugement sur la participation future de Taïwan à l’ONU ou à d’autres organisations internationales;
2.à promouvoir activement ce point lors de l’Assemblée générale des Nations Unies;
3.de plaider en faveur de la représentation significative de Taïwan au sein des organisations de l’ONU susmentionnées.
Honorables sénateurs, comme il se doit, je présente ce préavis le 10 octobre, à l’occasion de la fête nationale de Taïwan.
Des voix : Bravo!
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les finances
Le coût de la vie
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, nos concitoyens auront encore une fois de la difficulté à nourrir leur famille en cette fin de semaine de l’Action de grâce. La crise du coût de la vie, qu’alimente la taxe sur le carbone, fait encore souffrir les familles.
Ce matin même, le directeur parlementaire du budget a publié un autre rapport qui montre que la taxe sur le carbone coûte plus cher aux Canadiens que ce qu’ils obtiennent des néo-démocrates—libéraux, contrairement à ce que vous dites constamment, monsieur le leader. On peut lire ceci au troisième paragraphe :
En 2030-2031, en tenant compte des incidences financières et économiques, le DPB estime que le ménage moyen dans chacune des provinces où le filet de sécurité fédéral s’applique subira un coût net [...]
Je sais que vous croyez que les conservateurs font preuve de partisanerie, monsieur le leader, lorsqu’ils se soucient des familles en difficulté. Ce qui se passe actuellement préoccupe les conservateurs. Comme je l’ai dit, monsieur le leader, ces données proviennent directement du directeur parlementaire du budget, qui est pourtant impartial. Remettez-vous en question ses conclusions? Oui ou non?
(1520)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne remets rien en question, mais comme je l’ai déjà dit dans d’autres circonstances, je trouve ce genre de question regrettable, pour ne pas dire hyperpartisane.
Je crois que vous citez un peu trop sélectivement le directeur parlementaire du budget. C’est vrai qu’après avoir corrigé une erreur, il a affirmé, comme je le dis moi-même, que 8 ménages canadiens sur 10 recevront plus que ce qu’ils ne paient. Il a ensuite établi une série d’estimations et de prévisions sur les coûts additionnels de la tarification de la pollution et des répercussions sur les investissements. Les voilà, ses conclusions. Ce qu’on ne trouvait pas dans son rapport — et je ne le critique aucunement —, c’est ce qu’il en coûterait aux Canadiens de ne rien faire ou d’abolir la taxe — pour utiliser la formule simpliste consacrée. Il suffit de se rappeler les répercussions financières de la dégradation de l’environnement sur l’économie et la société canadiennes pour comprendre qu’il s’agit d’une analyse incomplète.
Le sénateur Plett : Vous pouvez faire toutes les contorsions intellectuelles qui vous plairont, monsieur le leader.
Nommez-moi une chose qui va mieux depuis l’Action de grâce de l’année dernière. Le recours aux banques alimentaires fracasse des records. Les loyers sont encore trop élevés. La criminalité est partout. L’antisémitisme s’est aggravé. La corruption et le gaspillage attribuables à l’incompétence du régime libéralo—néo-démocrate ont augmenté, et je pourrais continuer encore longtemps. Le temps n’est-il pas venu de déclencher des élections sur le thème de la taxe sur le carbone, monsieur le leader?
Le sénateur Gold : Ce qui ne va pas mieux, manifestement, c’est la qualité des slogans. À l’approche des élections américaines, j’ai l’impression de voir en vous une version à l’érable du mouvement MAGA. Rien pour le bien du Sénat, en tout cas.
L’environnement et le changement climatique
La taxe sur le carbone
L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, l’Alliance canadienne du camionnage a récemment demandé aux partis fédéraux de réduire les formalités administratives et le fardeau fiscal et de rétablir l’équité pour les camionneurs. Sa principale demande est d’abolir la taxe sur le carbone. Ce n’est pas nous qui le demandons, sénateur Gold. Il ne s’agit ni de discours prémâchés ni de slogans. Cette demande provient directement des camionneurs. Il s’agit d’hommes et de femmes qui travaillent jour et nuit, souvent loin de leur famille, afin de fournir à nos familles de la nourriture, des vêtements, etc.
Dans son rapport, l’alliance indique que, cette année seulement, la taxe sur le carbone de Trudeau ajoutera près de 2 milliards de dollars aux coûts annuels du camionnage. D’ici 2030, ces coûts supplémentaires s’élèveront à 4 milliards de dollars. Au cours des 12 années d’application progressive de la taxe sur le carbone de Trudeau, l’industrie du camionnage devra débourser au total 26 milliards de dollars supplémentaires.
Sénateur Gold, les marges de profit de ces travailleurs canadiens sont déjà très minces, et ces derniers refilent ces coûts aux consommateurs. Pourquoi n’admettez-vous pas que cette mesure n’est ni plus ni moins qu’une ponction fiscale, qui ne fait rien pour lutter contre les changements climatiques et qui accable les travailleurs de la classe moyenne?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Ce n’est pas une ponction fiscale. Oui, la tarification de la pollution, c’est un prix sur la pollution, et cela a un coût. Cela a un coût pour provoquer un changement de comportement. C’est toujours le cas, sénateur Housakos, et compte tenu de votre expérience du milieu des affaires, je suppose que vous savez — même si c’est peut-être une vérité qui dérange, si je peux me permettre de faire allusion à un autre domaine — que toute autre solution — et on ne nous en a présenté aucune — pour lutter contre les changements climatiques coûterait plus cher, qu’il s’agisse d’un régime réglementaire ou autre chose du genre. Les principaux économistes conservateurs continuent d’admettre que cette tarification reste l’outil le plus sensible aux marchés, le plus rentable et le plus efficace. Le directeur parlementaire du budget ne dirait pas le contraire.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, tout ce que mon expérience du milieu des affaires m’a appris, c’est que cette taxe sur le carbone frappe durement la classe ouvrière canadienne, car c’est à elle qu’on refile les coûts. Ces coûts passent directement des camionneurs aux consommateurs dans les épiceries. Voilà ce qui se passe avec votre taxe sur le carbone. Je sais que votre gouvernement, le premier ministre Trudeau et certains sénateurs indépendants n’aiment pas particulièrement les camionneurs, mais moi oui, car ils sont le moteur de ce pays. Ce sont les camionneurs qui acheminent les aliments et les médicaments jusqu’à nos demeures. Vous n’avez qu’un simple geste à poser : abolir la taxe afin de réduire la pression sur les Canadiens de la classe moyenne.
Le sénateur Gold : C’est incroyable à quel point vous êtes capables de lire dans le cœur et l’esprit des sénateurs indépendants. Vous nous accusez depuis sept ans et demi de ne pas être véritablement indépendants. Vous ne savez pas ce que nous pensons. Je suppose que chaque sénateur ici présent respecte les Canadiens qui travaillent fort et prend au sérieux les moments difficiles que nombre d’entre nous traversent en ce moment.
Les relations Couronne-Autochtones
La Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate
L’honorable David M. Arnot : Sénateur Gold, j’ai été commissaire aux traités de la Saskatchewan il y a 20 ans, lors des discussions embryonnaires entre la Première Nation dakota de Whitecap et le gouvernement du Canada au sujet de l’adhésion au Traité no 6.
Après l’adoption récente du projet de loi C-51, j’ai rappelé aux deux parties que pour que cette relation puisse s’épanouir, elle doit reposer sur deux principes : l’honneur de la Couronne et l’honneur des Premières Nations. Personne ne peut remettre en question l’honneur des Premières Nations pour en être arrivées là aujourd’hui. Il appartiendra au ministre de veiller à l’honneur de la Couronne et à l’honneur des fonctionnaires fédéraux.
Sénateur Gold, pourriez-vous demander au gouvernement de continuer de préserver l’honneur de la Couronne en veillant à ce que les négociations sur le traité moderne commencent le plus tôt possible?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur. Merci de votre participation passée et de continuer à défendre cette cause.
Mon bureau a fait part de cette préoccupation au ministre après la période des questions d’hier. J’attends toujours une réponse, mais je continuerai à soulever la question auprès du ministre. Le gouvernement fera ce qu’il faut pour s’acquitter de ses obligations et agir en partenaire honorable dans une relation de nation à nation. Je continuerai de soulever la question et de faire pression sur le ministre à chaque occasion.
Le sénateur Arnot : Sénateur Gold, la Première Nation dakota de Whitecap est prête à négocier depuis des années. Le temps presse. Les Dakotas de Whitecap perdent patience. Les attentes sont grandes. Des promesses ont été faites. C’est maintenant qu’il faut agir. Le gouvernement du Canada aura-t-il le mandat d’entamer les négociations d’ici le 15 novembre 2024?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je ne suis pas en mesure de commenter une éventuelle échéance, mais je répète que le gouvernement s’est engagé à travailler avec les Dakotas de Whitecap pour faire progresser leurs priorités communes et qu’il soutient leur vision d’un avenir meilleur pour leur communauté.
Les affaires mondiales
Le soutien à l’Ukraine
L’honorable Donna Dasko : Sénateur Gold, étant donné les attaques continues et croissantes des forces russes contre les civils et les infrastructures essentielles de l’Ukraine, de nombreux membres de la communauté internationale se préoccupent vivement des limites imposées par les États-Unis à l’utilisation par l’Ukraine d’armes fabriquées aux États-Unis. Les États-Unis ont autorisé des frappes limitées de la part de l’Ukraine au début de l’année, mais l’escalade russe appelle à une réévaluation des limitations existantes. L’Ukraine a demandé l’autorisation nécessaire pour mener des frappes ciblées sur les aérodromes et les dépôts d’armes russes, d’où proviennent les frappes russes. Le Canada n’impose aucune restriction à l’utilisation des armes qu’il a fournies. Mais le pays a-t-il présenté des instances aux États-Unis au sujet de la levée de leurs restrictions? Que peut-on faire de plus pour convaincre les Américains de lever leurs restrictions et de permettre à l’Ukraine de mener ces frappes ciblées, qui sont nécessaires? Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice, et de vos efforts continus en faveur de l’Ukraine. L’actuel gouvernement a clairement affirmé que les Ukrainiens sont les mieux placés pour savoir comment défendre leur territoire, et il demeure résolu à tous les égards à soutenir leur capacité à le faire.
C’est pourquoi — comme vous l’avez souligné à juste titre — le Canada n’a imposé aucune restriction géographique à l’utilisation de l’équipement militaire qu’il a fourni à l’Ukraine. Je peux assurer au Sénat que le Canada continuera à travailler avec ses alliés, y compris les États-Unis, notamment, pour que l’Ukraine soit totalement soutenue, dans son intégralité, y compris financièrement, militairement et, bien sûr, d’un point de vue humanitaire.
La sénatrice Dasko : Sénateur Gold, pouvons-nous nous attendre à ce que les États-Unis assouplissent bientôt les restrictions qu’ils imposent à l’Ukraine afin que ce pays n’ait pas les mains liées? Merci.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ne suis tout simplement pas en mesure d’avancer des hypothèses quant aux décisions futures des États-Unis en matière de limites géographiques. Je porterai certainement cette préoccupation à l’attention du ministre et de son ministère, qui sont en contact régulier avec leurs homologues.
(1530)
[Français]
Les transports
Les droits des passagers aériens
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Sénateur Gold, la Cour suprême du Canada a rejeté à l’unanimité la contestation des règles fédérales d’indemnisation des passagers aériens auxquelles tentaient d’échapper Air Canada et 17 autres compagnies aériennes. Que ces règles pour les retards, les annulations et les surréservations soient finalement reconnues, c’est une bonne nouvelle, mais la mauvaise nouvelle, c’est que, pour se faire rembourser ou payer, les voyageurs canadiens doivent s’adresser à l’Office des transports du Canada. Environ 79 000 dossiers s’y accumulent et sont en attente de traitement.
Après les passeports, l’application ArriveCAN et l’immigration, est-ce qu’on est encore une fois devant une autre « bébelle » des libéraux, qui ne sont jamais capables d’offrir un service rapide et efficace aux citoyens canadiens?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Les délais sont regrettables, et le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour que les délais soient réduits et que les ressources nécessaires soient fournies, afin que les Canadiennes et Canadiens puissent obtenir une réponse plus rapidement.
Le sénateur Dagenais : Est-ce que vous reconnaissez au moins que devoir attendre quatre ans pour obtenir une compensation pour des retards d’avion ou des bagages perdus est inacceptable dans un pays comme le Canada, ou faudra-t-il encore plus de fonctionnaires pour traiter les dossiers?
Le sénateur Gold : On ne peut pas nier que quatre ans, c’est extrêmement long. Je ne connais pas tous les facteurs qui ont contribué à ce délai, mais je vais aborder cette question avec le ministre.
[Traduction]
Les relations Couronne-Autochtones
La Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate
L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, l’an dernier, la Nation dakota de Whitecap a célébré l’adoption unanime et attendue depuis longtemps par le Parlement du projet de loi C-51, qui met en vigueur un traité reconnaissant son droit à l’autonomie gouvernementale, au sens de l’article 35 de la Constitution. Les ancêtres de cette fière communauté dakota, située près de Saskatoon, ont été des alliés cruciaux des Britanniques pendant la guerre de 1812. Cependant, pendant de nombreuses années, on a traité cette communauté comme une Première Nation de deuxième ordre, soumise à la même tentative d’assimilation, tout en étant privée de droits issus de traités, y compris des terres équitables et d’autres avantages.
Sénateur Gold, un an s’est écoulé depuis l’entrée en vigueur du nouveau traité. Cependant, le gouvernement n’a pas entamé de négociations avec la Première Nation dakota de Whitecap pour la mettre sur un pied d’égalité avec les Premières Nations signataires d’un traité. Le gouvernement s’engagera-t-il à faire ce qui s’impose?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de vos efforts pour défendre cette cause. Je crains que la seule réponse que je puisse vous offrir soit la même que j’ai donnée à notre collègue à ce sujet. J’ai soulevé la question pas plus tard qu’hier, en fait, pas plus tard que ce matin, parce que je l’ai répétée en ayant à l’esprit son importance. Je n’ai toujours pas reçu de réponse. Bien entendu, je vais continuer à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour obtenir une réponse le plus rapidement possible.
Le sénateur Klyne : Sénateur Gold, justice différée est justice refusée. Le gouvernement s’engagera-t-il à respecter un échéancier pour entamer des négociations avec la Nation dakota de Whitecap, des négociations qui se font attendre depuis trop longtemps, afin de respecter le projet de loi C-51, qui vise un traitement équitable des terres et autres d’avantages pour ce partenaire qui a signé un traité avec le Canada?
C’est la bonne chose à faire pour notre gouvernement.
Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie pour la question complémentaire. Je dois toutefois répéter que je ne suis pas en mesure de faire des commentaires sur les échéanciers. Par contre, je m’engage à continuer à attirer l’attention du ministre sur cette question. C’est une question importante, mais je n’ai pas de réponse pour l’instant.
Les finances
Le coût de la vie
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, alors que nous nous réunirons avec nos proches pour fêter l’Action de grâces, il ne faut pas oublier que le coût de la vie est carrément trop élevé pour des familles des quatre coins du Canada. En plus du rapport au sujet de la taxe sur le carbone qu’il a publié aujourd’hui, le directeur parlementaire du budget a aussi publié un rapport, mardi dernier, sur le pouvoir d’achat des ménages canadiens. Selon ce rapport, l’inflation et les taux d’intérêt élevés que nous connaissons depuis deux ans ont amoindri le pouvoir d’achat des Canadiens. C’est particulièrement vrai pour les ménages à faible revenu. Toutefois, la richesse des ménages les plus aisés, elle, s’est accrue.
Monsieur le leader, que répondez-vous au rapport du directeur parlementaire du budget? Remettez-vous en question ses conclusions?
Le sénateur Housakos : Donnez un répit aux gens.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Nous déplorons tous que les Canadiens soient encore très nombreux — trop même — à avoir du mal à joindre les deux bouts. L’inflation fait bel et bien des ravages, mais heureusement, elle a beaucoup diminué. Maintenant que le taux d’inflation est revenu à un niveau bien en deçà de ce qui est acceptable — ou pour être plus juste, à un niveau prévisible —, nous estimons qu’il n’affaiblira plus le pouvoir d’achat des Canadiens.
Pour ce qui est des autres questions soulevées — à juste titre, d’ailleurs — au sujet du coût du logement, des aliments et des autres produits de première nécessité, le gouvernement continue de soutenir les Canadiens et s’emploie sans relâche à régler de manière responsable les problèmes qu’ils connaissent actuellement.
La sénatrice Martin : Quoi que vous disiez, monsieur le leader, je sais que les Canadiens savent que le rapport du directeur parlementaire du budget est exact.
En septembre, Food Banks BC a affirmé que, pour la toute première fois, l’organisme a servi 100 000 utilisateurs en un seul mois.
Des voix : C’est honteux.
La sénatrice Martin : Les gens disent avoir besoin de cette aide pour trois raisons : le coût élevé de la nourriture, le coût élevé des logements et les faibles salaires.
Monsieur le leader, c’est une conséquence des dépenses et des taxes inflationnistes du gouvernement néo-démocrate—libéral, n’est-ce pas?
Le sénateur Housakos : Abolissons la taxe.
Le sénateur Gold : En tout respect, la réponse courte est non. Je ne nie pas que les prix sont trop élevés pour beaucoup de gens, mais je nie sans hésitation que tout cela puisse être causé par les « dépenses inflationnistes du gouvernement » ou peu importe l’expression que vous avez utilisée et qui figurera au compte rendu. C’est tout simplement faux. Ce n’est pas une bonne façon d’aborder l’économie et les politiques sociales, même si cela peut apparemment donner d’excellentes formules-chocs.
La sécurité publique
L’ingérence étrangère
L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, l’ancien ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, assure que, pendant 54 jours, sa cheffe de cabinet ne lui a pas montré la demande de mandat du Service canadien du renseignement de sécurité qui réclamait la surveillance des contacts du Parti libéral avec des agents du Parti communiste chinois. Pourtant, après cela, il a continué d’employer cette cheffe de cabinet pendant deux ans. Certains hauts fonctionnaires, dont le sous-ministre, ont témoigné cette semaine dans le cadre de l’enquête sur l’ingérence étrangère et ont déclaré que M. Blair, qui était alors ministre de la Sécurité publique, aimait travailler à domicile et qu’il ne lisait pas les documents classifiés.
Le sénateur Housakos : C’est incroyable.
La sénatrice Batters : Il s’appuyait « exclusivement sur des rapports verbaux ». Le ministre Blair est un des seuls Canadiens à avoir accès à des renseignements extrêmement sensibles sur l’ingérence étrangère, et il ne se donnait pas la peine de les lire. M. Blair aurait dû être congédié immédiatement, mais au lieu de cela, le premier ministre Trudeau l’a promu ministre de la Défense, un poste où il s’occupe maintenant de renseignements encore plus fondamentalement sensibles.
Pourquoi le ministre est-il toujours en poste s’il refuse de lire des renseignements essentiels concernant les menaces qui pèsent sur la démocratie canadienne?
Le sénateur Housakos : Parce que nous avons un premier ministre incompétent.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme vous l’avez souligné, les enjeux concernant le délai en question sont examinés et discutés comme il se doit devant la Commission Hogue, ce qui constitue un cadre approprié où discuter de ces enjeux cruciaux et sensibles.
Pour ce qui est de l’autre partie de votre question, je crois savoir que le ministre Blair, qui a servi notre pays avec honneur, a toujours la confiance du gouvernement.
La sénatrice Batters : Le fait qu’il ne lise pas les documents ne pose donc aucun problème? Sénateur Gold, je ne vous envie pas la tâche d’avoir à défendre l’incompétence crasse du gouvernement Trudeau jour après jour, mais ce sera difficile, même pour vous, de justifier ce point. Alors que le ministre Blair ne lisait même pas les documents d’information classifiés quand il était ministre de la Sécurité publique, le premier ministre l’a ensuite nommé ministre de la Défense? Quand le ministre Blair sera-t-il congédié?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre sollicitude au sujet de ma situation. Je dois avouer que je vous envie de pouvoir transmettre ici, au Sénat, des déclarations qui viennent de l’autre endroit, ou du moins d’avoir le soutien nécessaire pour le faire.
Le ministre Blair a la confiance du gouvernement, comme je l’ai dit dans ma réponse précédente.
Les affaires mondiales
Les droits de la personne en Afghanistan
L’honorable Ratna Omidvar : Sénateur Gold, j’ai une question pour vous, mais je commencerai par un éloge. Je tiens à féliciter le gouvernement du Canada d’avoir joint ses efforts à ceux de l’Australie, de l’Allemagne et des Pays-Bas la semaine dernière à l’Assemblée générale des Nations unies, dans leur action visant à poursuivre les talibans devant la Cour internationale de justice pour le traitement qu’ils réservent aux femmes et aux jeunes filles — une action appropriée de la part d’un gouvernement féministe.
(1540)
Cela dit, ma question est de savoir quelles ressources, quelles stratégies diplomatiques et quelles actions le Canada entreprendra pour mettre en œuvre et garantir le succès de cet effort et pour respecter les principes énoncés dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie de la question et de vos efforts inlassables pour défendre cette importante cause.
Je crois savoir que le représentant spécial du Canada pour l’Afghanistan, basé à Doha, coordonne avec nos partenaires internationaux et la communauté internationale une réponse commune à la crise en Afghanistan. En effet, en réponse au nombre croissant d’atteintes aux droits de la personne perpétrées par les talibans à l’encontre de la population — notamment les femmes et les jeunes filles —, le Canada continue de plaider en faveur d’un mouvement coordonné à l’échelle internationale pour inciter les talibans à respecter le droit humanitaire international, afin de faire respecter les droits de la personne, et en particulier les droits des minorités ethniques, des femmes et des jeunes filles.
On m’a également informé que le Canada défend aussi ces priorités grâce à son engagement soutenu dans les grands forums internationaux, dont le G7 et les Nations unies.
Le conflit au Soudan
L’honorable Ratna Omidvar : Merci, sénateur Gold. Dans le même ordre d’idées, je voudrais attirer l’attention du Sénat sur des endroits oubliés dans le monde, sur les guerres oubliées en République démocratique du Congo et au Soudan. Des centaines de milliers de personnes sont déplacées, sans aide médicale ni protection contre les violences sexuelles, dans le contexte de conflits violents impliquant de multiples groupes armés et les forces gouvernementales. Quelles sont les mesures prises par le gouvernement canadien pour...
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice. Selon mes informations, la République démocratique du Congo est en fait le sixième plus grand bénéficiaire de l’aide canadienne au développement. Une part importante de cette aide est fournie sous forme d’aide humanitaire aux personnes touchées par le conflit et les catastrophes dans ce pays.
En ce qui a trait au Soudan, le Canada continue de contribuer à l’aide internationale, notamment par l’intermédiaire de l’aide humanitaire, afin de répondre aux besoins vitaux de cette population tragiquement touchée par les crises.
Le commerce international
La gestion des approvisionnements
L’honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Gold, le président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international nous a fait part hier du plan de travail du comité concernant le projet de loi C-282. Le sénateur Boehm a informé le Sénat qu’il prévoyait que le comité tiendrait quatre autres réunions avec des témoins et procéderait à l’étude article par article au cours de la première semaine de novembre. C’est ce qu’il a déclaré au Sénat.
Sénateur Gold, je crois fermement à l’autonomie responsable des comités. Étant donné que le projet de loi a été renvoyé au comité en avril de cette année et à la lumière du débat public rigoureux sur ce projet de loi ainsi que des attentes des parties prenantes canadiennes et de l’appui massif qu’il a reçu à l’autre endroit, quel est le point de vue du gouvernement quant à l’échéancier?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Par principe, le gouvernement est favorable à l’étude en temps opportun de tout projet de loi qui lui est soumis, en particulier quand il a été adopté par une majorité d’élus à l’autre endroit. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de débattre — enfin, je l’espère — du fait que le Sénat devrait donner la priorité aux projets de loi d’initiative parlementaire dûment adoptés par la Chambre des communes.
Comme vous l’avez souligné, ce projet de loi a été adopté il y a plus d’un an. Le gouvernement s’attend à ce que le comité qui en est chargé termine l’étude de ce projet de loi sans tarder. Je suis tout à fait d’accord avec ce qui est implicite dans votre observation, à savoir qu’il serait bénéfique que ce projet de loi revienne rapidement au Sénat pour être débattu à l’étape de la troisième lecture, afin que tous les sénateurs puissent se prononcer. Merci.
La sénatrice Ringuette : Sénateur Gold, j’ai aussi cru comprendre que le comité directeur a rejeté l’offre de Mme Ng, la ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, de venir témoigner au sujet du projet de loi.
Sénateur Gold, pouvez-vous confirmer si c’est exact? Si oui, quelle est la position du gouvernement sur le projet de loi?
Le sénateur Gold : Merci. Je suis déçu que l’offre de la ministre n’ait pas été acceptée par le comité directeur du Comité des affaires étrangères. J’irais même jusqu’à dire qu’il est plutôt étrange que le comité entende des fonctionnaires qui sont responsables de la mise en œuvre de la politique commerciale du gouvernement, mais qu’il refuse de faire de même avec les décideurs politiques à qui ils doivent rendre des comptes. Aux dernières nouvelles, les dirigeants élus établissent l’orientation de la politique commerciale du pays. Pourquoi refuserait-on d’entendre...
Les services aux Autochtones
Les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations
L’honorable Paul J. Prosper : Sénateur Gold, du 10 au 12 septembre 2024, le Tribunal canadien des droits de la personne a tenu des audiences sur la requête pour non-conformité de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Cette requête met en lumière l’incapacité chronique du Canada à respecter les ordonnances du tribunal en ne traitant pas efficacement les demandes au titre du principe de Jordan. En fait, le Canada a admis qu’il n’avait pas ouvert ou traité entre 40 000 et 80 000 dossiers.
Il y a deux semaines, Johnson Redhead, un jeune garçon atteint d’autisme et ayant d’autres besoins spéciaux, s’est éloigné de son école de la Première Nation de Shamattawa. Quelques jours plus tard, il a été retrouvé mort après avoir été exposé aux éléments. Il était en attente de mesures d’aide au titre du principe de Jordan.
Monsieur le sénateur, quelles mesures précises le Canada prendra-t-il pour réduire les arriérés et faire en sorte que les enfants qui ont des besoins urgents reçoivent la protection et les soins dont ils ont besoin?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénateur. Pour commencer, je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à la famille et aux amis de Johnson Redhead. Il ne devrait jamais y avoir de tragédies comme celle-là. Le problème n’a, hélas, rien de nouveau, chers collègues. Depuis des générations, les familles et les membres des Premières Nations souffrent terriblement parce que les services à l’enfance fournis par le gouvernement du Canada sont discriminatoires et empreints de racisme systémique.
Dernièrement, le gouvernement s’est engagé à débourser 1,6 milliard de dollars afin que les enfants des Premières Nations reçoivent le soutien que leur garantit le principe de Jordan. Le gouvernement demeure déterminé à mener à bien la réforme au long cours des services à la famille et à l’enfance des Premières Nations et du principe de Jordan afin que les enfants et les familles n’aient plus jamais à subir ce genre de discrimination ni ses horribles conséquences.
Le sénateur Prosper : Sénateur Gold, la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis précise que, pour atteindre l’égalité réelle, il doit y avoir du financement prévisible, durable et adapté aux besoins.
Qu’a fait le gouvernement pour que le financement versé aux Premières Nations, comme celle de Neqotkuk, au Nouveau-Brunswick, soit adapté aux besoins de cette Première Nation au lieu d’être simplement calculé en fonction des chiffres sur la taille de la population qui se trouvent dans le Système d’inscription des Indiens?
Le sénateur Gold : Je vous remercie. Le gouvernement entend tout faire pour éliminer les obstacles systémiques qui empêchent les enfants et les jeunes autochtones d’obtenir les services et le soutien dont ils ont besoin. Outre l’investissement dont je viens de parler, il en a fait un autre d’une ampleur historique en débloquant 1,3 milliard de dollars afin de soutenir les efforts continus du Canada pour que la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis soit mise en œuvre conjointement avec les communautés autochtones.
Les affaires mondiales
Le Corps des Gardiens de la révolution islamique
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, il y a un an, je vous ai interrogé au sujet d’un homme qui a perdu sa femme et sa fille dans l’écrasement du vol PS752. Dans une entrevue accordée à Global News, il a révélé que la GRC lui a dit qu’elle ne pouvait pas le protéger contre les menaces du régime iranien.
Monsieur le leader, la semaine dernière, la commission Hogue a publié une entrevue avec le sous-commissaire de la GRC dans laquelle il confirme que « l’Iran cible les proches des victimes du vol PS752 qui vivent au Canada pour les dissuader de critiquer l’État ».
Monsieur le leader, il a fallu six ans pour que le gouvernement néo-démocrate—libéral incompétent inscrive le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes. Le fait que le régime iranien s’en prenne à ces familles en deuil est une conséquence directe de cette inaction, n’est-ce pas, monsieur le leader?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Je n’adhère ni à la prémisse ni à la conclusion de la question, mais je conviens tout à fait qu’il est totalement inacceptable qu’un régime agisse de la sorte, surtout l’Iran, qui est connu pour semer et faire régner la terreur non seulement dans sa région, mais aussi dans le monde entier. Les sanctions prises par le gouvernement à l’encontre d’individus et, plus récemment, l’inscription du Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes témoignent des mesures que le gouvernement prend et continuera de prendre.
(1550)
Il reste beaucoup de travail à faire. L’engagement de tous les Canadiens, des forces de l’ordre, du gouvernement fédéral et de diverses autres parties doit être constamment renforcé, car nous sommes visés par de sérieuses menaces de la part d’acteurs malveillants, notamment l’Iran.
Le sénateur Plett : Monsieur le leader, il y a près d’un an, je vous ai également interrogé sur un avocat britanno-colombien qui a dressé une liste de 700 agents du Corps des Gardiens de la révolution islamique qui ont commis des crimes contre leur propre peuple. Tous ces individus vivent en liberté dans notre pays en ce moment même.
Parmi ces 700 agents, combien le Canada en a-t-il expulsé hors de ses frontières au cours de la dernière année? Quel est le nombre?
Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de faire des commentaires sur des cas individuels ou sur des enquêtes concernant des mesures qui pourraient, en fait, être en cours d’exécution.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-64, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-40, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
Projet de loi sur l’assurance médicaments
Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je vais faire un bref résumé, puis je continuerai mon discours.
Tant que le soutien financier ne sera pas uniforme d’un bout à l’autre du Canada, les gens devront se fier à des réseaux de défense des droits, comme Action Canada, pour obtenir des informations factuelles et fiables sur les formes de contraception disponibles dans leur province ou leur territoire et pour être en mesure de faire des choix qui leur conviennent.
Ce projet de loi est essentiel parce que les différences dans l’accès à la contraception d’une région à l’autre du Canada ne peuvent plus durer. Ainsi, alors que les provinces et les territoires ont tous élargi le pouvoir de prescription à un plus grand nombre de professionnels de la santé, dont les pharmaciens, les sages-femmes et les infirmières autorisées, seulement 46 % d’entre eux offrent un soutien financier à cet égard à l’ensemble de leur population. Un projet de recherche intersectoriel et interdisciplinaire mené par le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, en collaboration avec Action Canada et des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique a permis de produire l’Atlas mondial des politiques en matière de contraception afin de suivre l’évolution des politiques, de l’éducation et de l’accès à la contraception dans les différents pays.
Selon cet atlas comparatif, la Colombie-Britannique se classe au premier rang au Canada, tandis que Terre-Neuve-et-Labrador se classe au dernier rang, tout près de ma province, le Manitoba, qui occupe la dixième place. Le projet de loi C-64 vise à ce que les Canadiens aient accès à une gamme complète de médicaments et de dispositifs contraceptifs, ce qui procurera à quelque 9 millions de Canadiens en âge de procréer une autonomie accrue en matière de procréation, tout en éliminant des coûts qui sont payés le plus souvent par les femmes et les personnes de diverses identités de genre.
Selon des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique, les contraceptifs peuvent coûter plus de 19 000 $ au cours de la vie d’une femme. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés qui a pour mandat de suivre et de surveiller les prix des médicaments pour s’assurer qu’ils ne sont pas excessifs, a affirmé que le Canada se classe actuellement au troisième rang des pays où les prix sont les plus élevés à l’échelle mondiale, et que, pour les médicaments, le Canada dépense davantage par habitant que tout autre pays de l’OCDE, à l’exception des États-Unis.
Les opposants à l’assurance-médicaments qui sont préoccupés par l’adoption d’une stratégie nationale d’achat en gros tentent souvent de minimiser ce fardeau financier excessif en disant que le prix des médicaments au Canada se situe tout simplement à la médiane des pays de l’OCDE. C’est de la mésinformation. Il est vrai que les prix au Canada se situent à la médiane des prix des sept pays de l’OCDE que le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés utilise comme point de comparaison, mais c’est dans cet ensemble de pays que les prix sont les plus élevés au monde.
Pendant que nous examinons les coûts, j’aimerais dire en toute honnêteté que les coûts prévus dans le projet de loi C-64 seront inférieurs au coût de l’inaction. Les études indiquent constamment que les programmes de contraceptifs gratuits permettent de réaliser des économies en réduisant les coûts associés aux accouchements et aux avortements ainsi que les coûts élevés des soins offerts aux mères et aux bébés après l’accouchement.
Les opposants au projet de loi C-64 suggèrent que la couverture universelle est inutile, car ils soutiennent que seuls 3 % des Canadiens n’ont aucune assurance pour couvrir le coût des médicaments sur ordonnance. Cet argument provient d’un rapport financé par l’industrie, qui se fonde sur des données fournies par le principal lobby de l’industrie des assurances au Canada. Le lobby en question considère comme techniquement admissibles à une assurance des gens ayant droit à une assurance-médicaments — privée ou publique — assortie de franchises ou de primes élevées, même si beaucoup d’entre eux n’ont pas les moyens de se permettre une telle couverture.
Le Conference Board du Canada et d’autres témoins ayant comparu devant le Comité des affaires sociales ont fait remarquer que le chiffre de 3 % avancé par le lobby ne tient pas compte des prix exorbitants des médicaments, qui rendent financièrement impossible l’achat de médicaments pour plus de 30 % des ménages canadiens, qu’ils soient techniquement admissibles ou non à une couverture.
L’équipe de recherche sur la contraception et l’avortement de l’Université de la Colombie-Britannique a constaté que 70 % des femmes ont du mal à accéder à des moyens de contraception. Un véritable accès à la contraception est plus qu’une simple question de santé. Ce n’est pas un enjeu qui concerne uniquement les femmes. C’est une question d’injustice reproductive. D’une génération bien plus jeune que la mienne, Meghan Doherty, codirectrice de la politique globale et défense des droits à l’organisme Action Canada pour la santé et les droits sexuels — le partenaire de la société civile de l’Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement — m’a transmis ce commentaire qu’elle aimerait que je vous lise aujourd’hui.
Quand on pense aux causes profondes de l’injustice en matière de genre, de sexualité et de reproduction, il s’agit en réalité de certaines des causes profondes qui peuvent être interprétées à la lumière des normes patriarcales de genre ancrées dans toutes les dimensions de la vie sociale, économique et culturelle et qui se manifestent dans le droit, les politiques et les budgets. Fondamentalement, elles sont conçues pour créer une situation où le genre est utilisé pour soumettre, exclure et marginaliser certaines personnes en raison de leur genre et pour mettre en avant les hommes et toutes les normes associées à la masculinité et leur donner la priorité. L’idée que toute sexualité devrait être une question de reproduction débouche sur de réelles violations des droits de la personne et sur un blocage de l’accès aux soins en matière de santé sexuelle et reproductive dont beaucoup de gens ont besoin.
Chers collègues, on n’insistera jamais assez sur les répercussions de la contraception gratuite dans les domaines sanitaire, économique, social et de l’équité, répercussions qui profitent tout le monde. En écho aux notes historiques utiles que le sénateur Cardozo a ajoutées à ce débat, j’aimerais conclure en citant un Canadien tenu en haute estime, Stephen Lewis, qui a occupé de nombreux postes multilatéraux de haut niveau, dont celui d’ambassadeur du Canada aux Nations unies en tant que membre de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l’Organisation mondiale de la santé. Il y a 30 ans, voici ce qu’il a dit :
Le bien-être économique d’une femme, sa santé et celle de ses enfants, ses aspirations, ses espoirs pour une amélioration de la situation familiale, son niveau d’éducation, les possibilités réalistes d’emploi ou de garde des enfants, la salubrité des logements, de la nourriture et de l’eau disponibles, tous [...] ces facteurs et bien d’autres encore entreront en ligne de compte dans ses choix en matière de procréation [...] Le choix d’une femme en matière de procréation est soumis à un millier d’influences et de pressions. Elle est manifestement la mieux équipée pour prendre des décisions flexibles.
Chers collègues, appuyons le projet de loi et l’avènement d’un régime universel d’assurance-médicaments pour tous les Canadiens et pour un Canada plus fort.
Merci. Meegwetch.
L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de cet important projet de loi. J’ai dû me creuser la tête au cours des derniers jours pour essayer de décider ce que j’allais dire.
(1600)
Au bout du compte, j’ai décidé de ne pas lire plus de statistiques ou de données publiées à maintes reprises déjà. J’ai choisi de raconter ma propre histoire, de raconter comment je suis arrivé ici et d’expliquer pourquoi.
En 2017, dans ma carrière précédente de président du Congrès du travail du Canada, l’assemblée générale a adopté une résolution qui disait que le congrès devait mener une campagne pour demander que le pays mette en place un régime national d’assurance-médicaments. Comme c’est le cas pour tout processus, après l’adoption de la résolution, nous sommes retournés au quartier général de l’organisation. Je me disais que ce n’était pas simple. Je n’étais pas certain que cela nous concernait et je me suis dit que je ne pourrais pas m’en assurer sans consulter les membres.
J’ai donc entrepris une tournée d’une trentaine de villes du Canada, des grandes et d’autres plus modestes. À titre de membre du mouvement syndical, je croyais bien sûr que nous étions très bons pour défendre les intérêts de nos membres et pour leur négocier une bonne couverture. J’étais donc loin de m’attendre à me faire dire qu’ils avaient un problème. Ce fut un choc, parce que, dans ce qu’ils me disaient, il ne s’agissait pas de savoir s’ils avaient une assurance-médicaments. Selon la convention collective, ils pouvaient me dire : « Oui, nous en avons une. » Une mère de famille monoparentale m’a raconté que, selon sa convention collective, elle était censée avoir accès au médicament dont son enfant avait besoin. Toutefois, pour y avoir droit, elle devait payer une franchise de 700 $. Elle m’a dit que, si elle avait 700 $, elle aurait payé le médicament directement. Elle m’a alors demandé : « Qu’est-ce que je dois dire à mon enfant? » Je ne savais pas quoi lui répondre.
Je sais que ses représentants syndicaux n’ont pas fait mettre une franchise dans la convention collective par manque d’intelligence. C’était le résultat de négociations visant à établir au moins un seuil d’accès minimal aux prestations. Cette mesure était évidemment destinée à avoir un effet dissuasif. La majorité des membres qui n’avaient pas un emploi très bien rémunéré ne pouvaient pas avoir accès aux médicaments dont ils avaient besoin.
Des gens m’ont raconté avoir bénéficié d’une couverture à leur travail, mais avoir quitté cet emploi pour un autre. Pendant les 60 ou 90 jours de leur période probatoire à leur nouvel emploi, ils ne pouvaient pas recevoir de médicaments. Ils ont donc cherché, bien avant de quitter leur premier emploi, des moyens de faire durer les médicaments qu’ils avaient pendant ce laps de temps.
Bien sûr, en ne prenant pas leurs médicaments aux doses prescrites, ils ont détruit leur santé. Leur état de santé est aujourd’hui pire qu’avant. Alors ils se demandent : « Pourquoi est-ce ainsi? »
À la fin de la tournée des 30 villes, je suis revenu à mon bureau. À plusieurs reprises, j’ai pleuré en écoutant ces gens. Je n’arrivais pas à croire qu’un pays aussi riche que le nôtre traite ses citoyens de la sorte.
Je vous raconte tout cela aujourd’hui en tant que personne qui, depuis l’âge de 18 ans, a toujours eu un accès complet à des médicaments chaque fois que j’en avais besoin parce que j’avais de bonnes conventions collectives et que j’étais couvert. Pendant toutes ces années, je n’ai jamais eu à prendre de médicaments pour ma santé. J’ai de la chance. Mais je ne dois pas laisser ma chance orienter nos efforts dans ce domaine.
Notre pays a maintenant 157 ans. J’ai dit il y a longtemps qu’il n’est jamais facile d’édifier un pays, mais que c’est ce à quoi nous participons ici, chers collègues : nous édifions un pays pour tous ses citoyens. Les gens assez riches n’auront jamais besoin d’être couverts par un régime, et les gens assez pauvres ne devraient jamais avoir à s’inquiéter de leur capacité à se procurer des médicaments s’ils tombent malades.
En parcourant le pays, j’ai bien compris que les régimes provinciaux et territoriaux au sein de la fédération ne sont pas tous pareils. Si on vit au Québec, les règles sont différentes. Ce régime est-il parfait? Pas du tout. Si on vit en Colombie-Britannique, c’est différent. Les programmes provinciaux sont tous différents d’un bout à l’autre du pays.
Toutefois, voici la triste réalité. Si on tombe malade et qu’on va à l’hôpital au Canada, on recevra tous les médicaments nécessaires pour aller mieux, jusqu’à ce qu’on se fasse mettre à la porte. Ensuite, on doit se débrouiller seul, car on n’a plus accès aux médicaments, à moins d’être couvert ou d’avoir les moyens de les acheter. Comment est-ce possible? Quand on est malade, on s’occupe de nous, mais, au bout du compte, dès qu’on se fait mettre à la porte de l’hôpital, on n’a plus accès aux médicaments. C’est inacceptable, chers collègues.
Je sais que nous sommes en plein débat. Je tiens d’abord à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour le travail qu’ils ont accompli ainsi que tous les témoins, les personnes qui appuient le projet de loi et celles qui formulent des critiques. Cela fait partie de la démocratie.
Je remercie aussi la sénatrice Pate pour le travail diligent et acharné qu’elle a déployé à titre de marraine de ce projet de loi. Chers collègues, je sais que nous ne serons pas tous du même avis quand nous arriverons à la fin du débat aujourd’hui et que nous voterons sur ce projet de loi.
Or, j’ai mûrement réfléchi à la question. J’ai un bon ami qui a été victime d’une crise cardiaque à Windsor. Je suis allé lui rendre visite à l’hôpital. Pendant qu’il reposait dans un lit d’hôpital, on l’a informé que son entreprise venait de déclarer faillite. Il est dans la cinquantaine. Deux choses se sont produites lorsque l’entreprise a fait faillite. Premièrement, son régime de pension n’est pas pleinement capitalisé et, à l’époque, on n’accordait pas la superpriorité aux pensionnés touchés par des procédures de faillite. Il n’allait donc pas obtenir la pension qu’on lui avait promise. Il était allongé dans un lit d’hôpital à la suite d’une crise cardiaque. Deuxièmement, on lui a également dit, lorsqu’il était allongé dans ce lit, que sa couverture pour les médicaments prendrait fin 30 jours plus tard. Il m’a regardé, et il m’a demandé ce qu’il devait faire, comment il pourrait subvenir aux besoins de sa famille et comment il allait prendre soin de lui-même à sa sortie de l’hôpital. En bon ami, je lui ai dit honnêtement que je ne le savais pas et que je ne pouvais pas répondre à ses questions.
J’ai eu la chance d’être ici. Grâce à mon ami le sénateur Plett et à ses collègues, nous avons adopté un projet de loi et modifié la loi sur les faillites. Cette mesure législative prévoit que si une entreprise fait faillite, les travailleurs bénéficieront d’une superpriorité pour garantir que leur régime de pension sera pleinement capitalisé à l’avenir.
Cependant, nous n’avons pas réglé l’autre partie du problème, à savoir la couverture de ses médicaments. Cette couverture provenait de son entente contractuelle. Or, lorsqu’une entreprise fait faillite, cette entente prend fin.
Je vais conclure mes observations. J’ai suivi de près le Dr Hoskins lorsqu’il travaillait sur son rapport et qu’il parcourait le pays avec son équipe. À mon avis, ils ont produit un très bon rapport pour le Canada. Les provinces et les territoires font tout ce qu’ils peuvent pour trouver des moyens de venir en aide à leurs citoyens. Cependant, la réalité, c’est que notre grand pays présente un ensemble de mesures disparates. Il faut reconnaître que nous pouvons faire mieux.
En Nouvelle-Zélande, on peut acheter du Lipitor, un médicament qui est produit au Canada, à un coût moindre qu’au Canada. Comment cela est-il possible? Je pense que nous sommes en train d’essayer de bâtir un meilleur système en achetant en gros certains des meilleurs médicaments que nous pouvons nous procurer.
Pour terminer mon intervention, je veux soulever deux points importants. Ma mère, qui a eu 100 ans en mai, n’a jamais eu d’assurance-médicaments. Elle n’a jamais eu assez d’argent pour cela et elle n’a jamais travaillé pour un employeur qui lui a procuré une assurance-médicaments. Elle a 100 ans. L’an prochain, elle aura 101 ans. Malgré tout, elle s’en tire bien.
Ce projet de loi porte sur la façon de changer les choses. J’espère qu’au cours des 100 prochaines années, ma fille de 16 ans, qui sera bientôt adulte, n’aura pas à attendre jusqu’à 100 ans comme sa grand-mère pour avoir une assurance-médicaments.
Ce projet de loi jette les bases nécessaires pour que nous puissions bâtir un meilleur système en travaillant avec l’ensemble des provinces et des territoires du pays ainsi qu’avec les employeurs du secteur privé pour déterminer leurs responsabilités. On a beaucoup parlé des employeurs du secteur privé. Vont-ils retirer leur couverture en raison de ces mesures? J’ai représenté des travailleurs toute ma vie. Il est vrai que certains pourraient essayer de faire cela. Cependant, comme vous le savez, une entente contractuelle ne donne pas à un employeur le droit de retirer quelque chose aux travailleurs à moins que ceux-ci n’y consentent. Malgré tout le battage médiatique que nous avons entendu sur le fait que les travailleurs allaient perdre leur couverture, le mouvement syndical est à l’avant-garde de la lutte, il défend la mise en place du projet de loi et il appuie l’élargissement de la couverture. Dans les provinces où ils sont en mesure de s’exprimer et de soutenir le gouvernement, le gouvernement leur a dit : « Vous devez étendre votre couverture. »
(1610)
Je sais que nous pouvons faire mieux, chers collègues, mais je pense que nous devons réfléchir à la situation. Ce n’est pas parce que vous jouissez d’un privilège que vous ne devez pas penser à vos concitoyens qui ne le possèdent pas. J’espère que le privilège dont j’ai joui dans ma vie deviendra un droit pour tous les citoyens canadiens. Je pense que ce projet de loi jette les bases qui permettront d’y parvenir.
Merci.
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exposer officiellement mes inquiétudes quant aux répercussions de ce régime d’assurance-médicaments sur le Programme des services de santé non assurés auquel les bénéficiaires des Premières Nations et des Inuits ont actuellement accès.
Lors des délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, la nation crie d’Onion Lake a fait état de ses préoccupations concernant le programme national d’assurance-médicaments. Bien que les représentants d’Onion Lake n’aient pas pu témoigner devant le comité malgré leur demande, ils ont tout de même soumis un mémoire aux membres aux fins d’examen. Dans ce mémoire, on demande que la nation crie d’Onion Lake soit exclue du projet de loi parce que ce dernier ne respecte pas l’esprit et l’intention de la clause relative aux médicaments du Traité no 6.
Pour donner suite à cette demande, j’ai écrit au ministre Holland le 8 octobre. J’ai précisé que c’était urgent en raison de l’étude très écourtée du projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Dans ma lettre, je confirmais les inquiétudes exprimées par la nation crie d’Onion Lake et je demandais des précisions quant aux possibles répercussions du projet de loi C-64 sur le régime d’assurance-médicaments auquel les Premières Nations et les Inuits ont actuellement accès. Je demandais au ministre ce que le gouvernement allait faire pour atténuer les possibles effets de ce genre. Je voulais aussi connaître les possibles effets négatifs des dispositions du projet de loi sur les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations et des Inuits. La réponse informelle que le cabinet du ministre m’a transmise hier m’indiquait que la réponse officielle viendrait ce matin, mais je n’ai toujours rien reçu.
Chers collègues, le Programme des services de santé non assurés de Services aux Autochtones Canada est un programme national qui offre aux membres des Premières Nations et aux Inuits une couverture pour divers services médicaux nécessaires. Ces services ne sont pas couverts par les régimes d’assurance-maladie privés, provinciaux ou territoriaux ni par les programmes sociaux. Le régime d’assurance-médicaments sera-t-il considéré comme un régime d’assurance ou comme un programme social? On ne le sait toujours pas, ce qui est préoccupant.
Honorables sénateurs, lorsque j’occupais le poste de responsable en chef des soins dentaires pour le Manitoba, c’est-à-dire de 1996 à 2000, j’ai travaillé avec les bases de données des services pharmaceutiques et dentaires pour superviser le programme de soins dentaires. À ce titre, je sais à quel point ces changements dans les prestations et dans le paiement des prestations sont fluctuants pour les Premières Nations et les Inuits, et à quel point c’était préoccupant à l’époque. Cela demeure préoccupant aujourd’hui. Je ne sais toujours pas à quoi va ressembler le régime d’assurance-médicaments prévu par le projet de loi C-64, quels seront les frais et comment le programme des services de santé non assurés sera arrimé aux régimes d’assurance-médicaments.
Les services de santé non assurés pour les Premières Nations seront-ils inclus ou pris en compte dans ce programme d’assurance-médicaments? Comment ces deux programmes seront-ils administrés et en quoi diffèrent-ils? Quels sont les frais négociés et qui a participé à leurs négociations?
Les « frais d’exécution », les « honoraires habituels et coutumiers », ou toute variante de ceux-ci peuvent faire l’objet d’un remboursement jusqu’à concurrence du maximum régional alloué par le programme. Les fournisseurs de services de médicaments du Québec devraient se référer à l’entente entre Services aux Autochtones Canada et leurs représentants. Ces frais d’exécution sont-ils pris en compte dans le programme? Sinon, qui les absorbera?
Il incombe au pharmacien de vérifier si le client est admissible aux services, au moment de l’exécution de l’ordonnance, et de s’assurer qu’aucune des limites fixées par le programme ne sera dépassée et que les politiques et critères du programme sont respectés.
Assurance médicaments, services non assurés, programmes sociaux : les programmes varient selon les provinces. Les pharmaciens n’auront pas la tâche facile. Je le sais, parce que c’est exactement ce qui s’est produit avec le programme de soins dentaires. Celui-ci va-t-il fonctionner de la même manière?
Les bénéficiaires du programme des services de santé non assurés ne paient ni franchise ni copaiement si les frais négociés sont trop bas. Or, ils le sont année après année, et beaucoup de fournisseurs choisissent de ne pas adhérer à ce programme. Cette modalité fera‑t‑elle aussi partie du nouveau programme?
Les décisions relatives aux régimes d’assurance-médicaments sont fondées sur le jugement de professionnels de la santé reconnus et elles respectent les pratiques exemplaires du domaine et des normes éprouvées. En sera-t-il ainsi pour le nouveau programme?
Vous vous rappellerez qu’au départ, c’est Revenu Canada qui administrait le programme de soins dentaires, ce qui était une grande source d’inquiétude.
Quels sont les avantages de la liste des médicaments couverts? Ce n’est pas moi qui vous apprendrai qu’il y a beaucoup de médicaments pour traiter le diabète. Y aura-t-il des exceptions dans certaines circonstances? Devront-elles être autorisées au préalable? En quoi consistera ce processus et combien de temps prendra-t-il?
À l’époque où j’avais des patients, je faisais les démarches pour les exceptions liées aux régimes d’assurance au début de la semaine, mais quand je quittais, à la fin de la semaine, je n’avais rien reçu, pas même une réponse.
Dans certaines circonstances particulières, il est possible que l’ordonnance soit rédigée pour une indication clinique reconnue et que la dose prescrite soit étayée par des données probantes publiées ou par l’opinion d’une autorité reconnue, et qu’il existe des preuves importantes que le médicament demandé est d’une efficacité supérieure aux autres produits de la liste. Lorsqu’un nouveau médicament contre le diabète arrivait sur le marché et qu’il ne figurait pas sur la liste, les gens devaient demander une exception. Cela pouvait aussi se produire lorsqu’un patient avait souffert d’effets indésirables lors de la prise du médicament de substitution le moins cher et qu’un autre médicament plus cher était demandé par le prescripteur.
Les patients diabétiques qui sont admissibles à l’assurance-médicaments sont peut-être en fin de vie. À quoi ressemble alors la liste des médicaments? Auront-ils besoin de médicaments supplémentaires? Feront-ils partie de la liste des médicaments admissibles?
Honorables sénateurs, selon le Programme des services de santé non assurés, lorsque le Centre d’exception des médicaments est informé qu’un patient nécessite des soins de fin de vie, un formulaire de demande de la liste des médicaments pour les soins de fin de vie est envoyé par télécopieur au prescripteur. Je songe par exemple aux patients sous dialyse. C’est le cas de nombreux membres des Premières Nations.
Les personnes qui n’ont pas pris de médicaments pour leur diabète de type 2 parce qu’elles ne pouvaient se le permettre peuvent déjà avoir des problèmes de santé, comme une cardiopathie ou une néphropathie ou avoir eu un AVC. Il est important de demander quels médicaments pour traiter le diabète sont couverts par ce programme.
Une fois que ce formulaire de demande de la liste des médicaments pour les soins de fin de vie a été rempli et retourné, le patient sera admissible — selon le Programme des services de santé non assurés — à tous les produits figurant sur la liste des médicaments pour les soins de fin de vie s’il répond aux critères suivants : le patient ne reçoit pas de soins dans un hôpital ou dans un centre de soins de longue durée financé par un gouvernement provincial; et il a reçu un diagnostic de maladie terminale ou de maladie liée à son diabète qui devrait être la cause première de son décès dans un délai de six mois ou moins.
(1620)
Dans le programme des services de santé non assurés, une fois que le bénéficiaire est approuvé, il a droit à tous les produits inscrits sur la liste des médicaments pour les soins de fin de vie pendant six mois sans avoir à obtenir d’autres approbations préalables. S’il a besoin d’une assurance au-delà des six mois initiaux, il peut obtenir une prolongation de six mois sur réception d’un nouveau formulaire de demande de la liste des médicaments pour les soins de fin de vie.
Chers collègues, qui absorbe les coûts en cas de refus pour les frais d’exécution — pour chaque médicament, il y a des frais d’exécution; à l’heure actuelle, je crois qu’ils sont d’environ 7 $ pour chaque ordonnance —, en particulier en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba, s’il est déterminé que le médicament ne sert pas l’intérêt du patient?
Il reste beaucoup d’enjeux qui ne semblent pas clairs dans le programme proposé, notamment en ce qui a trait aux annulations pour les médicaments sur ordonnance non récupérés par le bénéficiaire — dans la base de données à ce sujet, il y avait des patients qui ne sont jamais allés récupérer les médicaments prescrits. Sous le régime du programme des services de santé non assurés, quand un bénéficiaire ne va pas chercher ses médicaments prescrits dans un délai de 30 jours, la demande de paiement initiale doit être annulée et être présentée de nouveau, mais seulement pour les frais d’exécution. Dans les cas où le bénéficiaire ne récupère pas son médicament sur ordonnance, lequel peut être réintégré aux stocks, la soumission d’une demande de paiement de frais d’exécution ne s’applique qu’aux médicaments pour lesquels les frais d’exécution ont une valeur pécuniaire. Ce n’est pas un problème quand le produit ne peut pas être réintégré aux stocks.
Quel est le processus prévu dans le programme proposé dans le projet de loi C-64?
Il y a également des questions concernant la coordination des services dans le cadre de ce nouveau programme. On peut voir ce que les services de santé non assurés apportent aux Premières Nations et pourquoi ces dernières sont préoccupées par le fait que ces questions n’ont pas été abordées. Les personnes admissibles aux services du Programme des services de santé non assurés doivent avoir accès à d’autres régimes de santé publics ou privés, ou à des programmes provinciaux ou territoriaux auxquels elles sont admissibles, avant de pouvoir accéder aux services du Programme des services de santé non assurés.
Les fournisseurs de médicaments doivent confirmer avec chaque client l’existence ou non d’une autre couverture, et une demande de remboursement doit d’abord être soumise à l’autre partie aux fins de traitement. Une fois que cette partie a traité la demande de règlement, le fournisseur peut ensuite soumettre le solde au Programme des services de santé non assurés.
Qui sera le payeur de dernier recours pour ces programmes? Pour ce qui est de notre régime administré par Canada Vie, la compagnie d’assurance dit aussi qu’elle est le payeur de dernier recours. Nous avons souvent eu ce problème par le passé. Qui va payer et qui va se retrouver dans la ligne de mire?
Dans le cadre du Programme de médicaments de l’Ontario, les demandes de règlement ne peuvent pas être coordonnées. Les patients peuvent avoir accès à la couverture des médicaments du Programme des services de santé non assurés ou, s’ils y sont admissibles, au programme de l’Assurance-santé Plus.
Lorsqu’un client admissible indique qu’il n’a plus de couverture d’assurance par l’entremise d’un autre régime de soins de santé privé ou public ou d’un autre programme social, on demande au fournisseur ou au client de communiquer cette information au Programme des services de santé non assurés afin que son dossier puisse être mis à jour.
Comment le régime d’assurance-médicaments s’appliquera-t-il aux Premières Nations et autres clients? En fait, les Premières Nations et les Inuits sont-ils exemptés ou exclus du régime en raison de la couverture supérieure dont ils bénéficient dans le cadre du programme des Services de santé non assurés? Inversement, dans le cadre du régime, comment les fournisseurs vérifieront-ils que la personne est admissible aux prestations du programme des Services de santé non assurés de Services aux Autochtones Canada et comment détermineront-ils toute autre couverture auquel le client a droit, s’il y a lieu?
Honorables sénateurs, étant donné les chevauchements et les conflits possibles entre les programmes, les fournisseurs devront être très bien renseignés quant à leurs critères d’admissibilité. Par conséquent, il faudra mettre en place un processus d’appel rigoureux. En quoi consistera ce processus d’appel? Sera-t-il en ligne? Si c’est le cas, cela créera un problème d’accessibilité pour de nombreuses populations vulnérables.
Une dernière préoccupation est de savoir si la prédominance du régime entrainera la suppression de prestations offertes aux Premières Nations, qui, je le répète, ont accès à une couverture plus vaste que celle offerte par le régime proposé.
Chers collègues, bien que je comprenne les avantages du régime d’assurance-médicaments, j’espère que mon discours montre clairement que de nombreuses questions fondamentales concernant le projet de loi à l’étude sont toujours sans réponse, tant sur le régime lui-même que sur la manière dont il interagira, ou interférera, avec le programme des Services de santé non assurés en vigueur.
Kinanâskomitinawow. Merci.
Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Osler souhaite poser une question, mais le temps est écoulé. Sénatrice McCallum, demandez-vous plus de temps?
On refuse d’accorder plus de temps. Nous poursuivons le débat.
L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, au moment où je prends la parole, l’honorable sénateur d’en face vient de refuser à une sénatrice le temps de parole supplémentaire qu’elle n’avait même pas encore demandé. Certaines personnes considèrent que les règles sont inflexibles, mais pour certains d’entre nous, les circonstances peuvent quelquefois justifier des écarts.
Honorables sénateurs, j’ai longuement réfléchi avant de me lancer dans ce débat, et j’ai l’intention de me limiter à quelques minutes. Je suis tellement heureuse et fière d’être ici aujourd’hui, à un moment où, si tout se passe comme convenu, nous voterons pour cet important projet de loi et nous vivrons un moment historique dans notre cheminement vers un système de soins de santé véritablement universel et vers une population canadienne en meilleure santé.
Mon père a toujours voté pour le Parti progressiste-conservateur. Avec ma mère, il m’a inculqué dès mon plus jeune âge un ensemble de valeurs qui me poussent à poser des questions, à comprendre et à prendre mes propres décisions. Il a planté des graines dans mon esprit. Je me souviens — pour être brève — qu’il était sur la route du lundi au vendredi. Lorsqu’il rentrait à la maison la fin de semaine, nos conversations à table portaient souvent sur l’actualité et sur les événements dans le monde entier, mais aussi au Canada. Il m’a également transmis l’habitude de regarder le téléjournal avec lui les vendredis, les samedis et les dimanches soir.
Très jeune, alors que je ne savais pas ce qu’était la politique ni qui étaient les politiciens, chaque fois que Tommy Douglas apparaissait à l’écran et qu’il faisait l’objet d’un reportage ou d’une entrevue, mon père disait : « Tu sais, Frances Louise » — ma mère s’appelait Frances, alors on m’appelait Frances Louise —, « si cet homme était le chef d’un autre parti politique, il serait le premier ministre de notre pays. » Merci, papa. Je ne savais pas pourquoi c’était important ni ce que cela signifiait.
Mes parents m’ont inculqué des valeurs qui, de manière à la fois intéressante et étonnante, ont guidé ma vie. Comme vous le savez tous, lorsque j’ai commencé à faire de la politique, je l’ai fait en tant que fervente partisane du merveilleux Tommy Douglas, reconnu comme le plus grand Canadien, et, bien entendu, du Nouveau Parti démocratique. C’est là que j’ai commencé ma vie politique en tant qu’indépendante.
Tout au long de ces années, la lutte pour l’assurance-maladie, les soins dentaires et l’assurance-médicaments a été une force motrice. J’ai eu l’occasion et l’honneur d’être ministre de la Santé de l’Ontario à une époque de récession, de déficits astronomiques et de prudence budgétaire nécessaire. Les dépenses ministérielles les plus importantes dans les budgets étaient celles du ministère de la Santé, en grande partie à cause de l’augmentation du coût des médicaments. J’ai eu des relations très intéressantes avec les représentants de l’industrie des médicaments d’origine et ceux de l’industrie des médicaments génériques, en particulier avec le regretté Barry Sherman. Lorsque je travaillais pour Centraide, je faisais appel à lui, et il prenait le temps de me parler des soins de santé. Il était toujours généreux. C’était son principal centre d’intérêt. Je demeure préoccupée par la question de savoir comment, en période de contraintes budgétaires difficiles, nous pouvons assurer une plus grande couverture et un meilleur accès aux médicaments, aux procédures et aux services qui préservent la vie et favorisent la santé.
(1630)
En Ontario — et, de façon semblable, au Québec —, la population était si importante que les listes de médicaments — leur fonctionnement et la limitation des coûts, sans oublier la bonification de l’accès — étaient une préoccupation des ministres de la Santé, bien sûr, mais aussi des Cabinets tout entiers. Lors de la mise en place des programmes, j’ai eu l’occasion de travailler, en période de déficit, sur ce que nous appelions en Ontario la couverture des médicaments onéreux — il s’agissait des médicaments qui n’étaient pas couverts par une assurance-médicaments, dans les cas où les gens avaient accès à un tel programme, et qui dépassaient les capacités de payer de la grande majorité des Ontariens. C’était un élément essentiel de notre réflexion et un coût important. En même temps, à l’échelle du gouvernement, nous consacrions toute notre attention sur la possibilité de déplacer des ressources, dans le cadre d’un budget limité, du traitement des maladies vers la prévention des maladies, la promotion de la santé et du bien-être et les déterminants sociaux de la santé. Tous ces éléments se rejoignent et nous amènent aujourd’hui, avec ce projet de loi, à un moment que je considère comme une nouvelle étape historique.
Je remercie le sénateur Cardozo de nous avoir rappelé tout le temps qu’il a fallu pour en arriver là. Or, nous sommes encore loin d’un véritable régime d’assurance-médicaments. Toute la série de dispositions sur l’accès aux services et aux mesures de soutien — notamment les principes philosophiques et les conditions budgétaires du régime d’assurance-médicaments — continue d’évoluer, notamment celles qui sont contre ces régimes. Nous n’en sommes qu’au début du régime de soins dentaires, et aux balbutiements du régime d’assurance-médicaments.
Je remercie ces sénateurs. Nous ne sommes pas tous du même avis, mais je crois que les sénateurs qui se sont exprimés admettent qu’il s’agit d’un point de départ. Ils ont dit qu’il y a plein de failles. Selon moi, la série de questions que la sénatrice McCallum a soulevées est très utile. Imprimez ces idées, conservez-les et ramenez-les souvent au cours du processus. Il s’agit de questions importantes.
Dans les multiples interventions qui ont été faites, des sénateurs ont dit que le projet de loi n’allait pas assez loin, qu’il ne s’agit pas d’un régime universel, qu’il n’y a pas telle chose ou telle chose, mais ils ont quand même admis qu’il s’agit d’une mesure législative importante et qu’ils allaient l’appuyer. Selon ce que je vois en général dans notre assemblée, je ne peux pas le prédire, mais j’estime que, lorsque nous nous prononcerons aujourd’hui, le projet de loi sera adopté. Je serai ici pour le vote et pour la sanction royale. C’est important.
J’aimerais dire une chose aux témoins, et plus particulièrement au groupe d’universitaires qui, lorsque ce sujet a été abordé dans le cadre de l’étude sénatoriale, ont affirmé que ce projet de loi a tellement de défauts et qu’il y a tellement de questions sans réponse qu’il est pire que l’inaction. Que tout ce qu’il va faire, c’est créer des problèmes qui vont nécessiter d’autres lois pour les corriger, par exemple parce que les définitions ne sont pas adéquates, ce genre de chose. Selon eux, c’est pire que de ne rien faire du tout. Je comprends les inquiétudes de ces gens et ce qui les a poussés à adopter ce point de vue. Je pense que leur position a peut-être évolué depuis, mais je tiens à dire que je les comprends.
Je partage leurs réserves de départ, mais je ne partage aucunement leurs conclusions. Je le dis de manière tout à fait respectueuse. Par nos fonctions, nous avons tous une manière différente d’étudier les projets de loi et les politiques. Les avis que nous donnons découlent de notre expertise personnelle. Je crois que les perceptions et les positions de ce groupe d’universitaires ne tiennent pas compte du fait qu’en politique, il faut trouver un consensus afin que les grandes politiques publiques puissent avancer. Elles ne tiennent pas compte non plus des relations avec les provinces, du fait que la situation varie d’une province à l’autre et des problèmes causés par la mosaïque actuelle de mesures. Elles ne tiennent pas compte des cadres financiers à l’intérieur desquels nous devons agir. Elles oublient que certains autres dossiers sont tout aussi urgents et que nous devons nous y intéresser aussi, en même temps. Bref, on ne tient pas compte de l’aspect politique des choses.
Je ne cherche pas ici à critiquer ces personnes. Mes propos reflètent plutôt ma perception de ce qu’elles ont dit ainsi que ma perception de la réalité dans laquelle j’ai travaillé à titre d’ancienne ministre de la Santé de l’Ontario. J’ai précédé de quelques années le Dr Eric Hoskins à ce poste, et j’ai suivi le travail du groupe d’intervention d’urgence qu’il a dirigé ainsi que ses recommandations. Bref, je comprends comment tout cela a évolué.
Je comprends qu’il ne s’agit pas simplement de tâter le terrain. C’est beaucoup plus, un peu comme sauter d’un quai et se jeter dans l’eau glaciale sans savoir exactement ce qu’on y trouvera, qui sait, peut-être même que des maskinongés vivent sous le quai. Toutes les questions qui sont soulevées, sur lesquelles il faut se pencher et auxquelles il faut trouver une réponse sont importantes.
Pourquoi se concentrer seulement sur ces deux éléments? Sénatrice McPhedran, je me réjouis d’avoir entendu votre exposé au sujet des enjeux liés à la santé sexuelle et reproductive et de tous les éléments connexes. Comme vous le savez, je suis aussi une amie de longue date et une disciple de Stephen Lewis. J’adore qu’on le cite. Je vous remercie de l’avoir fait.
J’ai aussi beaucoup travaillé sur l’accès aux médicaments contre le diabète et je connais l’énorme fardeau financier associé à cette maladie qui peut être contrôlée et atténuée. Si on donne aux gens la possibilité de prendre des décisions importantes pour leur vie avec des conseils, du soutien et les bons médicaments, on peut transformer leur situation pour qu’ils vivent en santé.
À mes yeux, il s’agit d’une pierre d’assise pour mettre en place une approche pancanadienne. Il y a encore beaucoup de choses à régler. Ce n’est pas l’universalité, mais c’est un premier pas vers ce principe. Ce premier pas est extrêmement important.
Chers collègues, comme je l’ai dit, j’ai l’impression que nous ferons front commun et que nous serons une majorité à voter en faveur du projet de loi. Je crois que la présentation réfléchie des mesures nécessaires et des points qu’il faut régler informera les décideurs quant au chevauchement entre les orientations stratégiques et la politique. Je suis impatiente de voir cela.
Je suis heureuse d’avoir pu intervenir sur ce sujet. Je remercie la sénatrice Pate pour le travail qu’elle a accompli, pour le leadership qu’elle a exercé dans cette enceinte, et pour sa collaboration avec des personnes de tous les points de vue et de toutes les communautés afin de faire avancer ce dossier. Je la remercie d’avoir accepté ce projet de loi comme un pas en avant et une étape fondamentale. Elle est une femme qui — comme ma collègue d’en face — sait se battre parce qu’elle veut aller aussi loin que possible quand elle est persuadée d’avoir raison. J’admire cela. Je ne veux pas en faire tout un plat ici, mais je l’admire vraiment parce que je comprends les gens qui sont vraiment impatients de faire ce qui s’impose. Je suis une idéaliste. Par contre, j’ai aussi appris à être pragmatique. Il s’agit d’un extraordinaire premier pas vers la réalisation de l’idéal, et c’est un premier pas pragmatique qui nous permettra de bâtir l’avenir et d’atteindre nos objectifs.
Si vous n’aviez pas l’intention de voter pour cette mesure, je vous prie de reconsidérer votre décision. J’espère qu’elle sera adoptée aujourd’hui, qu’elle recevra la sanction royale et que nous nous relèverons ensuite les manches pour passer aux prochaines étapes. Merci beaucoup.
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à titre de porte-parole de l’opposition pour parler du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments, à l’étape de la troisième lecture.
Tout d’abord, je voudrais remercier la présidente du comité, la marraine du projet de loi — la sénatrice Pate —, et tous mes collègues du comité pour les efforts qu’ils ont consentis afin d’écouter et de répondre aux témoignages des experts, des parties prenantes et des témoins qui ont une expérience personnelle de la situation au sujet d’un projet de loi difficile. Aujourd’hui, je vais tenter d’explorer ce que le terme « universel » peut signifier, étant donné qu’il en existe de nombreuses définitions.
(1640)
Il y a beaucoup d’autres endroits dans le monde qui ont des régimes d’assurance-médicaments. Aujourd’hui, j’aimerais revenir sur certaines des questions que j’ai posées à l’étape de la deuxième lecture et sur lesquelles j’espérais que l’étude du comité fasse la lumière. Pour terminer, je vous ferai part de certaines questions posées par les provinces et les territoires concernant le partage des compétences.
Pour commencer, honorables sénateurs, voyons s’il est exact d’affirmer que le Canada est le seul pays qui, ayant adopté l’universalité pour les soins de santé, ne l’a pas aussi adoptée pour les médicaments sur ordonnance. Quand les parlementaires répètent cette affirmation, j’aimerais qu’ils aillent plus loin et définissent ce qu’ils entendent par « universalité ».
Dans le contexte canadien, nous parlons souvent de couverture universelle comme s’il s’agissait forcément d’un régime à payeur unique. Or, selon le rapport Une ordonnance pour le Canada : l’assurance-médicaments pour tous, qu’on surnomme parfois aussi « rapport Hoskins » et qui a été publié en 2019 par le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance‑médicaments, de nombreux pays de l’Organisation de développement et de développement économiques, dont la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, se sont dotés d’une « assurance à payeurs multiples prévue par la loi » afin de « fournir une assurance-maladie universelle (y compris la couverture des médicaments) à leurs résidents ».
L’annexe 5 de ce même rapport résume les grandes caractéristiques des régimes d’assurance-médicaments de ces pays et des régimes de divers pays de comparaison. Or, on constate à la lecture de cette annexe que ce n’est pas parce qu’un régime universel d’assurance-médicaments existe dans un État donné que celui-ci est le seul responsable du coût des médicaments sur ordonnance ni même qu’il est en l’administrateur.
Le régime d’assurance-médicaments de l’Australie, qui est universel, complet et public, prévoit des quote-parts correspondant au coût total du médicament ou de 37 $, selon le moindre de ces deux montants. Dès qu’un ménage a payé 1 425 $ en quote-parts au cours de l’année, cette quote-part baisse à 6 $. Près de la moitié des adultes cotisent à un régime d’assurance privé complémentaire à participation volontaire.
La France est dotée d’un régime d’assurance universel et complet prévu par la loi. Ce régime rembourse de 15 % à 100 % des ordonnances, selon les avantages cliniques du médicament. Plus de 90 % des Français cotisent à un régime d’assurance privé complémentaire à participation volontaire.
Le régime de l’Allemagne, qui est universel, complet et prévu par la loi, prévoit des quote-parts de 7 $ à 15 $, environ, et permet aux personnes qui gagnent plus de 90 000 $ par année de cotiser plutôt à un régime d’assurance-maladie privé de remplacement.
Le régime néerlandais, qui est universel et prévu par la loi, prévoit une franchise annuelle de 584 $. Plus de 80 % des Néerlandais cotisent à un régime privé complémentaire à participation volontaire.
Régime universel ne veut pas dire la même chose que régime à payeur unique. Bon nombre de pays comparables au Canada se sont dotés d’un régime d’assurance-médicaments prévu par la loi et à payeurs multiples qui est beaucoup plus près du modèle québécois que du modèle proposé dans le projet de loi C-64. À titre de rappel, je cite directement le rapport Hoskins :
Le Québec est la seule province canadienne qui a réussi à mettre sur pied un régime d’assurance-médicaments universel, ce qu’il a fait en rendant la couverture des médicaments d’ordonnance obligatoire pour tous ses résidents. Les employeurs qui offrent des prestations de soins de santé à leurs employés sont tenus d’offrir une assurance-médicaments qui atteint ou dépasse le niveau de couverture offert par le régime public d’assurance-médicaments de la province. Les résidents qui ne sont pas admissibles à l’assurance privée par l’entremise de leur employeur ou de leur profession sont tenus de s’inscrire au régime provincial d’assurance-médicaments et de payer des primes (certains groupes vulnérables, comme les aînés à faible revenu, sont exemptés du paiement des primes).
L’adoption du modèle québécois permettrait d’atteindre l’objectif d’offrir aux Canadiens une assurance-médicaments universelle, mais dans le projet de loi C-64, le gouvernement propose plutôt un régime beaucoup plus coûteux qui réduira les choix offerts aux Canadiens.
De plus, le projet de loi C-64 semble conçu pour semer la confusion dans l’esprit des Canadiens. Ni le sommaire ni l’objet du projet de loi ne font mention des médicaments sur ordonnance destinés à la contraception ou au traitement du diabète. On y parle d’un « régime d’assurance médicaments national et universel ».
Comme je l’ai souligné à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-64 semble proposer deux politiques : premièrement, un modèle de régime d’assurance-médicaments prétendument universel que le gouvernement devrait mettre en œuvre et, deuxièmement, la structure visant à combler les lacunes et les processus nécessaires à la mise en œuvre d’une couverture « en ce qui concerne des médicaments sur ordonnance et des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète ».
Pourquoi est-ce que je parle de « combler les lacunes »? Cela pourrait bien être l’intention. Après tout, le paragraphe 6(1) prévoit clairement que le ministre « effectue des paiements à une province ou à un territoire [...] dans le but d’élargir toute couverture existante d’un régime d’assurance médicaments public ».
En fait, le projet de démonstration de l’Île-du-Prince-Édouard, qui a précédé le projet de loi, était un modèle visant à combler les lacunes. Trouvez-vous qu’il est difficile de s’y retrouver? Les Canadiens méritent une mesure législative transparente. Le projet de loi C-64 ne l’est pas.
Chers collègues, je vais donner un aperçu des questions principales que j’ai soulevées à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-64 et des réponses obtenues — ou pas — par le comité.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai demandé si un régime national et universel d’assurance-médicaments à payeur unique pourrait avoir une incidence négative sur la pratique des pharmaciens. Lors d’une réunion du comité, la Dre Shelita Dattani, de l’Association canadienne des pharmacies de quartier, est revenue sur les défis liés à la mise en œuvre de l’Assurance-santé Plus en Ontario. Elle a dit ce qui suit :
[...] en 2018, le programme OHIP+ en Ontario a cherché à fournir une couverture complète des médicaments aux Ontariens de moins de 25 ans, détenteurs ou non d’une couverture à cet égard, en se basant sur la liste provinciale de médicaments de l’Ontario. Cette initiative partait d’une bonne intention, à savoir veiller à ce qu’aucun jeune ne soit laissé pour compte, mais en réalité, le gouvernement a payé des millions de dollars de plus que nécessaire pour des médicaments auxquels les Ontariens avaient déjà accès. Beaucoup de ces jeunes adultes ont dû faire face à des bouleversements lorsque leur couverture a changé ou que le médicament qu’il prenait [...] a cessé d’être couvert en vertu de la liste provinciale.
Danielle Paes, pharmacienne en chef de l’Association des pharmaciens du Canada, a également fait état de son point de vue en tant que pharmacienne de première ligne :
Je crois qu’une grande partie des tâches des pharmaciens ne sont pas visibles. Nous parlons au téléphone avec les représentants des régimes d’assurance. [...] Il ne s’agit pas simplement d’une liste. Il faut s’assurer que tout concorde, de sorte que le patient reçoive ses médicaments.
En ce qui concerne les répercussions financières potentielles du projet de loi C-64, Benoit Morin, de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, a prévenu que certaines pharmacies québécoises ne survivront pas si elles ne peuvent facturer qu’un type de frais d’exécution ordonnance, fixé par la province ou le territoire. Les régimes privés paient des frais d’exécution d’ordonnance plus élevés; par conséquent, la situation financière des pharmacies dépend d’une combinaison de frais liés aux ordonnances remplies par le régime public et de frais liés aux ordonnances remplies par les régimes privés. Il a dit ceci :
C’est précisément cette flexibilité qui permet aux pharmacies québécoises de se développer, d’être présentes dans toutes les régions et d’offrir une multitude de services aux patients. Sans cette souplesse, la santé financière du réseau des pharmacies serait mise à mal avec des répercussions encore plus importantes en région éloignée.
Mme Dattani, de l’Association canadienne des pharmacies de quartier, a souligné ce point lorsqu’elle a dit : « Une conséquence involontaire de l’assurance médicaments à payeur unique pourrait bien être un recul de l’offre de services pharmaceutiques et de l’accès aux médicaments. »
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai demandé : « Dans l’écosystème de santé actuel, pouvons-nous nous permettre de mettre en péril le succès des pharmacies et des pharmaciens? » Il semble que c’est ce que le gouvernement fédéral s’apprête à faire.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai exprimé ma crainte qu’un régime national et universel d’assurance-médicaments à payeur unique érode l’accès aux médicaments et exacerbe les pénuries de médicaments. Au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Joelle Walker, de l’Association des pharmaciens du Canada, a parlé de cette préoccupation :
Les pharmaciens passent environ 20 % de leur temps à gérer des pénuries de médicaments [...] L’achat de médicaments en grande quantité permet peut-être de faire des économies à proprement parler, mais cela a également de nombreuses conséquences. Les Canadiens sont plus vulnérables lorsque nous n’avons qu’un seul médicament disponible pour un usage donné.
Mme Walker a aussi fait remarquer qu’on pense souvent à tort que les gouvernements achètent des médicaments. Elle a dit :
Les pharmacies achètent des médicaments et sont ensuite remboursées par les gouvernements. L’achat en gros repose [...] sur un concept, à savoir que vous devez acheter un médicament particulier en gros, et c’est ce qui nous rend vulnérables aux pénuries de médicaments.
(1650)
Angelique Berg, présidente et cheffe de la direction de l’Association canadienne de la gestion de l’approvisionnement pharmaceutique, a informé le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie que le projet de loi C-64 pourrait avoir comme conséquence imprévue d’aggraver les pénuries de médicaments et de réduire la disponibilité des médicaments sur les tablettes des pharmacies. Elle a averti le comité qu’une liste nationale restrictive et un accord d’achat en gros pourraient perturber l’approvisionnement en médicaments du Canada. Voici ce qu’elle avait à dire au sujet de ces perturbations possibles :
On peut déjà le constater avec la liste nationale des médicaments contre le diabète proposée par le régime d’assurance médicaments, qui n’inclut que la moitié des médicaments actuellement sur le marché. Les Canadiens concernés seraient contraints de remplacer leur traitement actuel par un médicament figurant sur la liste, ce qui aurait un effet domino sur la chaîne d’approvisionnement. À mesure que les stocks tampons des distributeurs s’épuisent et que les fabricants des médicaments qui ne figureront pas sur la liste quitteront le marché, l’approvisionnement en médicaments deviendra de plus en plus vulnérable aux pénuries.
Jim Keon, président de l’Association canadienne du médicament générique, a souligné que le terme « achat en gros » n’est pas défini dans le projet de loi C-64 et que, par conséquent, on ne peut savoir ce que cela veut dire. M. Keon a rappelé au comité que les instances gouvernementales au Canada unissent déjà leur pouvoir d’achat, par l’entremise de l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, pour négocier des prix concurrentiels afin d’acheter les médicaments des Canadiens sur le marché international. Je le cite :
Il est essentiel que le régime d’assurance médicaments respecte l’infrastructure existante de fixation des prix pharmaceutiques pour assurer la stabilité de l’approvisionnement en médicaments au Canada [...]
Ajouter des pressions sur la tarification des médicaments génériques entraînera de nouvelles pénuries de médicaments, et ce nombre est déjà passablement élevé.
[...] limiter le nombre de fournisseurs d’un médicament donné, [...] viendrait augmenter les risques de pénuries de médicaments. Si le ou les fournisseurs choisis se retrouvent avec d’autres problèmes, par exemple sur la chaîne de production, nous risquerions de nous retrouver avec peu ou pas de solutions de rechange pour combler les besoins des patients.
À l’étape de la deuxième lecture, j’avais posé une question pour savoir si le coût d’un régime national universel d’assurance-médicaments à payeur unique pourrait être beaucoup plus élevé que les estimations actuelles. Le directeur parlementaire du budget a estimé que la première phase d’un tel programme augmenterait les dépenses du gouvernement fédéral de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans.
Le budget de 2024, quant à lui, prévoyait un engagement de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour Santé Canada afin de soutenir le lancement d’un régime national d’assurance-médicaments. Par conséquent, le comité savait, avant même le début des audiences, que l’assurance-médicaments était sous-financée d’au moins 400 millions de dollars. Or l’estimation du directeur parlementaire du budget part du principe que tous les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que par les assureurs privés, le resteront dans les mêmes conditions. En d’autres termes, il a supposé qu’il s’agissait d’un programme d’assurance-médicaments destiné à combler les lacunes — il a lu le projet de loi, lui aussi. Si les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux et les assureurs privés ne restent pas couverts aux mêmes conditions, le programme coûtera 5,7 milliards de dollars sur cinq ans, et non 1,5 milliard de dollars.
Je me demandais si les employeurs continueraient à fournir à leurs employés leur couverture d’assurance actuelle pour les médicaments une fois que ceux-ci seraient entièrement pris en charge par le gouvernement. Lorsque le directeur parlementaire du budget a comparu devant le Comité des affaires sociales, je lui ai demandé s’il y avait un incitatif, fondé sur le marché, pour les assureurs à réduire ou à supprimer leur couverture des médicaments qui seraient couverts par un régime public universel. M. Giroux, le directeur parlementaire du budget, a répondu ceci :
Tout à fait. Si le gouvernement offre un régime qui couvre 100 % des médicaments d’ordonnance pour le diabète et les contraceptifs, alors que les régimes privés doivent supporter ces coûts, il est évident [que les employeurs] seront tentés de dire qu’ils suppriment cette couverture dans le cadre de négociations collectives, par exemple, et de dire aux employés [que s’ils s’adressent] au gouvernement fédéral pour obtenir les 20 % qui ne sont pas couverts; on pourrait tout aussi bien se rendre à 100 %. […] C’est l’incitation dont je parle et à laquelle vous faites […] référence dans votre question.
Le 27 septembre, moins d’une semaine avant l’étude article par article, la présidente du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, la sénatrice Omidvar, a reçu une lettre du ministre Mark Holland qui a été distribuée à tous les membres du comité. Dans sa lettre, le ministre écrivait ceci :
Pour plus de clarté, cette norme de couverture signifie que tous les résidents d’une province ou d’un territoire participant pourront bénéficier d’un accès gratuit, sans co-paiement ni franchise, à une gamme de médicaments contraceptifs et contre le diabète. Dans le cadre de ce programme, le coût de ces médicaments sera pris en charge et administré par le régime public, plutôt que par une combinaison de payeurs publics et privés.
Euh, trouvez-vous qu’il est encore plus difficile de s’y retrouver?
Il semblerait donc que les médicaments qui sont actuellement couverts par des assureurs privés ne seraient plus couverts selon les mêmes conditions. Le directeur parlementaire du budget prévoit que les coûts recouvrés en raison de régimes privés d’assurance-médicaments s’élèveraient à 2,5 milliards de dollars. Sans ce recouvrement de coûts, on estime que cette phase du régime d’assurance-médicaments coûterait 4,4 milliards de dollars et qu’elle serait donc sous-financée d’environ 2,9 milliards de dollars.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai fait remarquer que la liste de médicaments pour soigner le diabète proposée était très limitée. Le 29 février 2024, soit le jour où le projet de loi C-64 a été présenté à l’autre endroit, Santé Canada a publié sur son site Web un document d’information qui dresse la liste des contraceptifs et des médicaments pour soigner le diabète qui feront l’objet de discussions avec les provinces et les territoires lors de la négociation d’accords bilatéraux. D’après mes calculs, cette liste comprend 70 médicaments ou dispositifs de planification des naissances, mais seulement 18 médicaments pour soigner le diabète.
Dans le mémoire qu’elle a présenté au comité des affaires sociales, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes analyse la liste qui figure dans le document d’information de Santé Canada. Selon ce mémoire, en 2023, les régimes collectifs d’assurances en milieu de travail ont remboursé pour environ 1,7 milliard de dollars de médicaments pour soigner le diabète. D’après son analyse, 85 % de ces coûts ne seraient pas couverts si on se fie au formulaire qui figure dans le document d’information de Santé Canada. Pour ce qui est de la contraception, en 2023, les régimes d’avantages sociaux en milieu de travail ont remboursé pour environ 217 millions de dollars de contraceptifs. Selon le document d’information de Santé Canada, à peine 21 % de ces coûts ne seraient pas couverts.
Bref, les organismes qui militent pour la couverture des produits contraceptifs sont contents de la liste. Ceux qui représentent les Canadiens diabétiques, par contre, la trouvent inadéquate.
Voici ce que l’agente principale des relations externes à la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile, Monica Kocsmaros, a dit au comité des affaires sociales :
[...] à la lumière des consultations menées auprès des fournisseurs de soins de santé et des personnes atteintes de diabète de type 1, nous voudrions que la liste finale élaborée reflète la teneur des Lignes directrices de pratique clinique établies par Diabète Canada. Il est important que les médecins aient des options thérapeutiques pour tenir compte des grandes variations dans les réactions et la tolérance de chaque patient à un médicament donné afin que les patients puissent y avoir accès, vu qu’un type d’insuline peut bien fonctionner pour un patient et pas pour un autre. Il s’agit de soins très personnalisés. Et comme les fournisseurs de soins se réfèrent à ces Lignes directrices de pratique clinique, les insulines qui y figurent devraient être disponibles pour tous les soins aux patients.
De son côté, Laura Syron, de Diabète Canada, a déclaré ceci :
La liste de médicaments limitée proposée rend les soins individualisés presque impossibles et peut avoir un impact négatif sur notre système de santé et sur la santé des personnes vivant avec le diabète en proposant des thérapies sous-optimales [...] un programme national d’assurance-médicaments assorti d’une liste de médicaments limitée peut avoir une incidence sur le choix; les professionnels de la santé pouvant considérer cette liste de médicaments comme définitive sans collaborer avec la personne vivant avec le diabète ni discuter de toutes les options thérapeutiques.
Dans le mémoire qu’elle a transmis au comité, l’Association canadienne du médicament générique s’inquiète elle aussi du caractère limité de la liste de médicaments. Je cite :
L’ACMG et sa division Biosimilaires Canada craignent que la liste restreinte des médicaments couverts par le régime d’assurance médicaments mène à des prescriptions non optimales des médicaments mis gratuitement à la disposition du public, ce qui pourrait conduire à des résultats de santé sous-optimaux pour les patients. Nous craignons également que l’absence d’une approche globale de la couverture universelle ne dissuade les régimes publics d’assurance médicaments de continuer à couvrir une large gamme de médicaments sur ordonnance et d’étendre la couverture à de nouveaux médicaments à l’avenir. Ces mêmes préoccupations s’appliquent également aux régimes privés d’assurance médicaments payés par les employeurs.
(1700)
Au comité, j’ai demandé ce qui suit à M. McKeon :
Qu’arrive-t-il à un patient diabétique, par exemple, qui a essayé peut-être 10 médicaments différents? Aucun n’a été très efficace. Puis, il essaie le 11e médicament qui, lui, est efficace, et il veut continuer de le prendre. Or, à ce moment-là, on instaure le régime universel d’assurance-médicaments, mais ce médicament ne figure pas dans la liste de médicaments couverts.
M. Keon a répondu : « Nous craindrions qu’ils ne bénéficient pas d’une couverture totale. »
Cette initiative pourrait avoir une importante conséquence imprévue : les employeurs pourraient arrêter de couvrir les médicaments contre le diabète et les contraceptifs dans leurs régimes d’assurance au travail. Mme Syron, de Diabète Canada, s’est citée en exemple. Elle a déclaré :
[J]e prends deux médicaments pour gérer mon diabète. L’un d’eux figure sur la liste de médicaments actuellement incluse dans le projet de loi, mais pas l’autre. Celui qui est absent de la liste est couvert par mon assurance privée.
Si mon assurance privée cessait de couvrir ce médicament, il faudrait que je paie moi-même la facture.
Sur le plan financier, par voie de conséquence involontaire, les gens pourraient trouver encore plus difficile de payer les médicaments. L’objectif même de ce projet de loi est d’amener plus de gens à prendre les bons médicaments, mais il pourrait arriver, par voie de conséquence involontaire, que moins de gens prennent le bon médicament [...]
Stephen Frank, président et chef de la direction de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, a dit ceci :
Pour la majorité des Canadiens, le projet de loi, dans sa forme actuelle, éliminera la couverture des médicaments sur ordonnance payée par l’employeur pour ces médicaments. Cela limitera les choix. On utilisera les maigres fonds fédéraux pour remplacer la couverture existante, ce qui créera un énorme vide pour les Canadiens non assurés qui ont besoin d’autres médicaments que les médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
Lorsque je l’ai interrogé au sujet de ces préoccupations, le ministre a dit : « Quant à l’idée que des personnes ne seraient plus couvertes, je ne pense pas que ce sera le cas. Les Canadiens ont un choix. »
J’ai répondu ceci :
[...] il se peut que cette personne n’ait pas le choix parce que son assureur lui dira peut-être qu’il ne peut plus l’assurer et lui conseillera de s’adresser à la province ou au gouvernement fédéral.
Voilà le problème. Vous dites que j’ai, personnellement, par exemple, une assurance privée et que j’ai le choix de rester avec mon assureur privé ou de passer à l’assureur public, autrement dit au gouvernement fédéral et à l’arrangement provincial. Cependant, il se peut que l’assureur privé ne veuille plus me couvrir. En fait, l’assurance-médicaments risque de déclencher un processus de perte progressive de l’assurance privée.
Le ministre a maintenu que cela ne se produirait pas. Toutefois, dans sa lettre datée du vendredi 27 septembre et adressée in extremis à la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le ministre indique que les Canadiens bénéficiant d’une assurance privée sont déjà en passe de perdre leur couverture pour les médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai souligné que le projet de loi C-64 contient peu de définitions d’importants concepts du programme, ce qui a entraîné une confusion inutile.
En effet, presque tous les témoins entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont dit que le projet de loi C-64 aurait été bien meilleur s’il avait inclus des définitions importantes pour clarifier les choses au lieu d’entretenir la confusion. Même les termes clés « universel », « payeur unique » et « au premier dollar » n’ont pas été définis. Il a été suggéré d’élargir la définition du terme « assurance médicaments » pour y inclure le rôle essentiel des services pharmaceutiques, ce qui a été complètement omis.
Lorsqu’on lui a demandé si un projet de loi limitant l’assurance-médicaments aux personnes qui n’ont aucune assurance allait à l’encontre du principe d’universalité, M. Giroux, le directeur parlementaire du budget, a répondu : « C’est une bonne question. Cela dépend de votre définition de l’universalité. »
Le professeur Matthew Herder, directeur du Dalhousie Health Justice Institute de l’Université Dalhousie, a abondamment étudié l’assurance-médicaments et beaucoup écrit à ce sujet. Il a déclaré que ce projet de loi est « fondamentalement ambigu ».
Lorsque la présidente lui a demandé si, malgré toutes ses imperfections et ses ambiguïtés, ce projet de loi ne valait pas mieux qu’aucun projet de loi, Steven Morgan, économiste et professeur dans le domaine des politiques de santé, à l’Université de la Colombie-Britannique, a répondu ceci :
Étant donné son libellé actuel, je pense qu’il serait préférable de n’avoir aucun projet de loi plutôt que d’adopter celui-ci. Je me fonde sur mon expérience de personne qui travaille sur ce dossier au Canada depuis 30 ans.
À la même question, le professeur Marc-André Gagnon, économiste politique à l’École d’administration et de politique publique de l’Université Carleton, a répondu « Malheureusement, je ne sais pas. »
Ce projet de loi manque de définitions, ce qui ne fait qu’ajouter à son opacité et son ambiguïté.
À l’étape de la deuxième lecture, j’avais dit être préoccupée par le fait que le régime national d’assurance-médicaments universel envisagé dans le projet de loi C-64 empiète sur les champs de compétence des provinces et complique ou entrave les programmes que les provinces et les territoires ont déjà mis en place.
Dans un communiqué de presse publié à l’issue des réunions du Conseil de la fédération à Halifax, en juillet dernier, les premiers ministres du Canada ont dit qu’ils espéraient toujours que le gouvernement fédéral reste dans les limites de ses champs de compétence. Ils ont déclaré :
Les interactions entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires sont devenues de plus en plus limitées et incohérentes, alors que le gouvernement fédéral déploie unilatéralement des programmes dans des domaines de compétence provinciale ou territoriale.
Notre fédération fonctionne mieux lorsque tous les ordres de gouvernement respectent les pouvoirs constitutionnels. Ces dernières années, le gouvernement fédéral a régulièrement empiété sur les champs de compétence provinciaux, et ce, sans consultation, sans collaboration ni financement adéquats. Lorsque le gouvernement fédéral s’ingère unilatéralement par le biais de lois, de règlements, d’investissements sélectifs ou de champs de taxation dans des domaines de responsabilité provinciale ou territoriale, les Canadiens se retrouvent devant des programmes uniformes, mal adaptés et sous-financés qui ne répondent pas aux besoins des résidents de toutes les régions du pays.
Lors d’une conférence de presse tenue à l’issue de leur réunion d’été, le premier ministre du Québec, François Legault, a fait remarquer :
Les empiètements du fédéral dans les champs de compétence des provinces sont un problème qui s’aggrave de budget en budget. [...] Ces empiètements-là créent des problèmes de gestion. Ils doublent la taille de la bureaucratie. Ce n’est pas souhaitable [...]
Le premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Dennis King, a déploré ce qu’il a appelé le « dérapage des compétences ». Il a déclaré :
Je pense que tous les Canadiens s’attendent à ce que tous les niveaux de gouvernement s’efforcent de faire tout ce qu’ils peuvent pour leur rendre la vie un peu plus facile, mais cela devient [...] un peu frustrant quand le gouvernement fédéral crée des dédoublements et empiète [...]
Dans une entrevue accordée à CPAC, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, a déclaré :
Si le gouvernement fédéral décide d’agir dans ce qui pourrait être considéré comme un champ de compétence provincial [...] dites-nous alors comment nous pouvons être des partenaires. Or, l’idée d’apprendre en se levant un matin qu’il pourrait y avoir un régime d’assurance-médicaments ou un régime de soins dentaires — ce qui relève pourtant des provinces — sans aucune collaboration ni consultation... C’est là où les conditions à géométrie variable de la Constitution commencent à m’inquiéter.
Dans une entrevue avec le Telegraph-Journal du Nouveau-Brunswick, le premier ministre Blaine Higgs dit ce qui suit au sujet des relations entre le gouvernement fédéral et les provinces :
Les relations sont tendues, c’est le moins qu’on puisse dire [...] Je dirais même qu’elles sont dysfonctionnelles à bien des égards.
Il ajoute qu’il n’y a pas eu de réunion générale des premiers ministres depuis des années. La dernière réunion, en février 2023, portait exclusivement sur la santé.
Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, réclame aussi une réunion des premiers ministres. Il a dit ceci aux journalistes :
Ce n’est pas une question d’argent. Ce n’est pas une question de fonds supplémentaires. Ne pourrions-nous pas plutôt nous coordonner, à l’échelle nationale, à propos de ces intérêts communs?
Il ajoute que c’est là qu’il a parfois l’impression qu’on se heurte à un mur.
La ministre de la Santé de l’Alberta, Adriana LaGrange, a déclaré ceci au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie :
(1710)
Le gouvernement fédéral continue de présenter des initiatives en matière de santé comme un moyen de poursuivre ses propres objectifs politiques, alors que sa responsabilité réelle est d’agir en bon partenaire pour la viabilité à long terme des initiatives en matière de santé et l’amélioration des résultats connexes. Les provinces et les territoires ont la compétence exclusive en matière de planification, d’organisation et de gestion de nos systèmes de soins de santé.
Le gouvernement fédéral doit respecter les compétences provinciales et territoriales et les décisions que nous prenons. Les initiatives fédérales, telles que l’assurance-médicaments, doivent être élaborées dans le cadre d’une véritable collaboration, en tenant compte des priorités provinciales et territoriales et dans le respect des compétences.
Mardi, dans notre enceinte, le sénateur Gignac s’est exprimé à propos du projet de loi. Je le cite : « [...] à Ottawa on devrait se montrer moins critique et se garder une petite gêne avant d’empiéter sur le champ de compétence des provinces avec de nouvelles initiatives. » Je suis tout à fait d’accord.
Le projet de loi C-64 soulève également d’autres préoccupations, comme l’administration de l’assurance-médicaments, la composition du comité d’experts et divers aspects de l’Agence des médicaments du Canada, notamment ses pouvoirs, ses fonctions et sa structure de gouvernance. Je remercie ma collègue, la sénatrice Osler, de nous avoir signalé avec compétence ces lacunes dans le projet de loi.
En conclusion, chers collègues, je ne suis pas convaincue que l’approche du projet de loi C-64 en matière d’assurance-médicaments soit prudente, ni sur le plan financier, ni sur le plan politique. J’aurais appuyé sans réserve un projet de loi qui aurait offert une assurance-médicaments aux plus vulnérables, ceux qui n’ont pas de couverture d’assurance ou qui sont sous-assurés. Or, avec ce projet de loi, le gouvernement dépensera au moins la moitié de son budget d’assurance-médicaments pour les Canadiens qui bénéficient déjà d’une couverture complète grâce à leur régime privé. Le directeur parlementaire du budget a fait clairement valoir ce point dans son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Il convient de rappeler ce que j’ai dit précédemment au sujet de l’universalité. L’universalité de l’assurance-médicaments ne signifie pas que l’État est exclusivement responsable du coût des médicaments sur ordonnance ni que le régime doit être administré par l’État. La France, l’Allemagne et les Pays-Bas ont des régimes d’assurance-médicaments universels à payeurs multiples établis par la loi qui ont plus en commun avec le modèle québécois qu’avec le modèle proposé dans le projet de loi C-64.
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a entendu des témoignages convaincants selon lesquels le projet de loi C-64 pourrait entraîner l’érosion de l’assurance privée, ce qui placerait de nombreux Canadiens dans une situation pire qu’aujourd’hui : ils auraient accès à une liste de médicaments très restreinte et à des services pharmaceutiques réduits, et ils devraient composer avec des pénuries de médicaments.
Bien franchement, chers collègues, j’estime que la situation est on ne peut plus claire : je ne peux pas appuyer le projet de loi C-64 dans sa forme actuelle. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Leo Housakos : La sénatrice Seidman accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Seidman : Bien sûr.
Le sénateur Housakos : Merci, sénatrice Seidman, pour votre discours très réfléchi. Il est évident que ce projet de loi est beaucoup plus idéaliste que logique, à l’image du gouvernement Trudeau en général, je suppose.
Hier, un collègue a évoqué les fondateurs de l’assurance-maladie dans cette enceinte, Tommy Douglas ainsi que les premiers ministres Diefenbaker et Pearson. Je me demandais ce que diraient les fondateurs de l’assurance-maladie sachant qu’aujourd’hui, nous avons un gouvernement qui, au cours des neuf dernières années et demie, n’a jamais transféré de fonds qui étaient équitables par rapport à ce que les provinces dépensent en santé? En fait, il a considérablement réduit les paiements de transfert en matière de santé au cours des neuf dernières années et, bien sûr, il n’a pas respecté la Loi canadienne sur la santé, qui contient un certain nombre de principes fondamentaux, comme l’intégralité, l’accessibilité et, surtout, l’universalité.
Comme plus de 6 millions de Canadiens et de familles sont sans médecin aujourd’hui, en 2024, que diraient Tommy Douglas, le premier ministre Diefenbaker et le premier ministre Pearson de l’état du régime de santé?
La sénatrice Seidman : Merci. C’est toute une question. Je dois vous dire qu’ils diraient probablement ce que nous disons tous, à savoir que le système de santé nous laisse cruellement tomber. Je pense que les Canadiens commencent enfin à avoir le courage de dire que le système ne fonctionne pas. Combien d’entre nous ont des membres de leur famille, des amis et des voisins qui éprouvent des difficultés avec le système de santé? Ils n’ont pas de médecins généralistes, par exemple. Je connais d’innombrables personnes qui se rendent dans des cliniques et qui, de ce fait, ne bénéficient pas de la continuité des soins. Nous l’entendons tous et nous le lisons tous. Je pense que nous reconnaissons peu à peu que le système nous laisse tomber.
Nous avons été très sensibles à notre système de santé. Nous l’avons loué et aimé et il ne fait aucun doute que le concept était excellent. Toutefois, si nous regardons ce qui se passe actuellement dans le reste du monde, nous constaterons que de nombreux pays qui ont commencé avec le même système que le Canada ont passé à autre chose et ont trouvé d’autres moyens de fournir à leur population le type de soins dont elle a besoin.
L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Sénatrice Seidman, au cours de l’étude du projet de loi C-64 par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, nous avons reçu des mémoires de l’Organisation canadienne pour les maladies rares et du Forum canadien des innovateurs spécialisés dans les maladies rares. Ces organismes nous ont fait part de leurs préoccupations quant au fait que la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments pourrait retarder davantage la mise en œuvre de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, dont il est question à l’article 5 du projet de loi C-64. Avez-vous pris connaissance de ces mémoires et rencontré l’un de ces groupes, et pouvez-vous aussi nous faire part de vos réflexions ou de vos inquiétudes concernant le report de la mise en œuvre de la stratégie sur les maladies rares?
La sénatrice Seidman : En effet, je les ai lus et j’ai aussi rencontré des représentants de l’Organisation canadienne pour les maladies rares, dont sa présidente, la Dre Durhane Wong-Rieger. Je rappelle qu’à l’étape de la deuxième lecture, j’ai fait remarquer que le gouvernement avait annoncé des investissements pouvant atteindre 1,5 milliard de dollars sur trois ans pour la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. C’était en mars 2023. La distribution de 1,4 milliard de la somme totale devait se faire par l’entremise d’ententes bilatérales. Le milieu des maladies rares jubilait. Or, plus d’un an et demi s’est écoulé, et une seule entente bilatérale a été signée.
Devant le Comité permanent de la santé de l’autre endroit, la présidente et cheffe de la direction de l’Organisation canadienne pour les maladies rares, la Dre Durhane Wong-Rieger s’est posé la question suivante : « [É]tant donné que les progrès promis dans le dossier des maladies rares ne se sont pas concrétisés, qu’est-ce que cela signifie en ce qui concerne les chances de succès [des] dispositions législatives sur l’assurance-médicaments? » Elle a même ajouté que, selon l’organisme qu’elle représente, il est déraisonnable et contraire à l’éthique qu’un régime conçu pour transformer et sauver des vies soit adopté sans être mis en œuvre par la suite.
Je suis tout à fait d’accord. À mon avis, le gouvernement doit honorer les promesses qu’il a faites au milieu des maladies rares et faire en sorte que le financement des ententes bilatérales sur le financement des médicaments servant à les traiter ne soit pas mis de côté parce qu’il faut désormais négocier les ententes bilatérales prévues dans le projet de loi C-64.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Merci, sénatrice Seidman, de cet excellent discours et de nous avoir permis d’entendre clairement certaines des préoccupations concernant le projet de loi C-64. Je n’ai que quelques mots à dire. Hier, le sénateur Cardozo semblait penser que ce qui ne pouvait pas être dit en 15 minutes ne valait pas la peine d’être dit, et cela pourrait bien être exact, sauf que quand votre public n’est pas attentif, vous devez parfois parler un peu plus longtemps.
Comme vous vous en souviendrez peut-être, j’ai pris la parole au sujet de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture et, sans surprise, mes préoccupations ont été validées pendant l’examen du projet de loi par le comité. Ce projet de loi du gouvernement a déjà été qualifié de malavisé, ce qui devrait inquiéter grandement les Canadiens.
Le Sénat a reçu le projet de loi C-64 le 4 juin dernier, après que le gouvernement néo-démocrate—libéral eut interrompu le débat à l’autre endroit et limité tout véritable débat à l’étape de l’étude en comité et à l’étape de la troisième lecture. Cela a permis au gouvernement de se soustraire à un examen minimal de ce projet de loi, ce qui, chers collègues, est regrettable.
(1720)
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai souligné que ce projet de loi était d’abord et avant tout une manœuvre insolente de Justin Trudeau pour répondre aux exigences de Jagmeet Singh concernant une mesure législative sur l’assurance-médicaments afin de s’accrocher au pouvoir un peu plus longtemps.
À ce moment-là, j’ai aussi posé la question suivante : s’agit-il d’une coquille vide qui ne fera que décevoir les personnes qui réclament un régime universel à payeur unique ou plutôt d’un cheval de Troie qui privera des millions de Canadiens des assurances privées dont ils bénéficient?
Comme il le fait souvent, le gouvernement a réussi assez longtemps à jouer sur tous les tableaux : il s’agira d’un régime universel, mais qui ne s’appliquera pas à tous; il n’y aura qu’un seul payeur, mais les compagnies d’assurance pourront aussi en être. La logique libérale à son meilleur.
En juin dernier, j’ai déclaré que ce projet de loi ne serait rien d’autre qu’une mesure législative obligeant le ministre de la Santé à inviter ses homologues provinciaux et territoriaux à discuter, tout en sachant qu’au bout du compte, il se pourrait que rien ne ressorte de cette réunion. Il n’a fallu que quelques mois à la coalition néo‑démocrate—libérale pour me donner raison.
Évidemment, le 12 septembre, soit moins d’une semaine avant sa comparution devant le Comité des affaires sociales, le ministre de la Santé, Mark Holland, a annoncé la conclusion d’un protocole d’entente sur quelques contraceptifs et médicaments contre le diabète avec le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, qui était en chute libre dans les sondages et risquait de ne pas être réélu aux prochaines élections provinciales.
Mark Holland a bien choisi son moment pour se présenter devant le comité avec ce qu’il a dit être un accord conclu avec la Colombie-Britannique, alors qu’il ne s’agissait en fait que d’un coup de relations publiques. Dans ses remarques préliminaires, le ministre a ouvert son jeu en disant :
Mesdames et messieurs, si j’ai pensé qu’il était si important d’avoir un protocole d’entente avec la Colombie-Britannique, c’était notamment pour aider le Sénat — parce que je sais qu’il y avait beaucoup de questions — et pour montrer à quoi cela ressemblerait.
Selon la citation du ministre, le protocole d’entente a été signé et publié à dessein comme un coup de relations publiques pour tenter de montrer que ce projet de loi est bien réel. En réalité, ce qu’ils ont signé avec la Colombie-Britannique n’est rien de plus qu’un accord entre deux parties pour qu’elles finissent par se mettre d’accord.
Il s’agit d’une autre tentative des libéraux de tromper les Canadiens. Stephen Frank, de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, l’a confirmé en déclarant :
Ce protocole d’entente n’a pas encore été signé, et ce programme n’existe pas encore. On a annoncé l’intention d’aller de l’avant si cette mesure législative est adoptée. Ce type d’annonce suscite des questions de la part des employeurs que nous rencontrons aujourd’hui.
J’étais donc quelque peu rassuré. Je pensais que le projet de loi C-64 n’était en fait qu’une coquille vide — juste un autre de ces exercices de relations publiques dont les libéraux sont si friands.
Le 1er juin, j’ai également demandé comment le gouvernement avait pu élaborer ce projet de loi à ce moment précis.
Nous savons maintenant que c’est le NPD qui tenait le stylo. Lors de sa comparution devant le comité, le ministre Holland n’a pas caché comment le NPD et les libéraux en étaient venus à s’entendre sur le projet de loi C-64. Même après que Jagmeet a « déchiré » l’entente avec le gouvernement libéral, Mark Holland était fier du travail qu’il a fallu pour s’entendre sur le projet de loi C-64 avec le NPD. Il l’a d’ailleurs librement admis devant le comité en déclarant :
Il s’agit, de loin — et j’ai pris part à quantité de tâches complexes — de la tâche la plus difficile à laquelle j’ai jamais participé. Chaque syllabe et chaque mot de ce projet de loi ont été débattus et discutés. C’est le résultat d’une très importante collaboration. Ce n’est pas un parti, mais deux, aux points de vue très différents, qui ont réussi à trouver un terrain d’entente.
Chers collègues, on pourrait penser qu’en parlant d’un projet de loi aussi important, qui touche à la santé de chaque Canadien, le ministre ne mettrait pas l’accent sur la façon dont il a discuté de chaque syllabe et de chaque mot avec un autre parti politique, mais plutôt sur le fait que le projet de loi repose sur des décennies de recherche et des tonnes de données. On pourrait penser que le projet de loi est le résultat d’années de consultations, de recherches et de réflexions menées par des experts, et non le produit de négociations en coulisses entre politiciens sur des syllabes et des mots.
On pourrait penser que l’objectif du projet de loi est d’apporter ce qui est important pour les Canadiens, et non ce qui est important pour que Justin Trudeau reste au pouvoir.
Steve Morgan, de l’Université de la Colombie-Britannique, l’a affirmé très clairement devant le comité :
Il faut admettre que l’entente de soutien et de confiance arrivait à son terme. En fait, après les négociations de l’automne dernier, elle avait été prolongée jusqu’en février et mars. Les deux partis souhaitant prolonger la durée de vie du gouvernement actuel se sont entendus sur une recommandation finale convenue à la hâte. Lorsque le ministre a témoigné, chaque mot a fait l’objet d’un débat.
Même si la coalition néo-démocrate—libérale s’est soi-disant dissoute, le NPD jouera toujours un rôle dans la mise en œuvre de ce projet de loi. Lorsque le ministre Holland a été interrogé au comité sur la composition du comité d’experts et sur le risque de conflits d’intérêts, le ministre n’aurait pas pu être plus clair. Encore une fois, ce sont ses paroles :
Nous avons eu de très bonnes conversations à ce sujet avec le NPD, qui, dans ce cas, sera le parti avec lequel nous sélectionnerons les membres de ce comité. Par conséquent, je ne pense pas qu’il y ait de problème de conflit d’intérêts. Ce n’est pas ce que nous cherchons.
Cela soulève la question de savoir comment les nominations seront effectuées. Seront-elles fondées sur le mérite ou s’agira-t-il de faveurs politiques?
Cela ne me rassure pas du tout de savoir que c’est la coalition néo-démocrate—libérale, et non le ministre, qui nommera un comité d’experts pour formuler des recommandations sur le fonctionnement et le financement du régime d’assurance-médicaments. Nous connaissons déjà la conclusion du comité. Il remettra son rapport au plus tard le 10 octobre 2025, et, sans surprise, les recommandations cadreront toutes avec l’idéologie néo-démocrate—libérale, ce qui aggravera l’érosion de l’assurance-maladie privée.
J’en suis plus qu’inquiet. Si c’est le NPD qui conduit l’autobus, on peut être certain qu’on aboutira quelque part très loin dans le champ gauche.
Comme je l’ai dit plus tôt, le ministre était ambivalent au début au sujet du programme et a insisté pour dire que les Canadiens continueraient d’avoir le choix entre leurs régimes privés et le régime public. Mais finalement, à la dernière minute, le chat est sorti du sac quand le ministre Holland a révélé que l’objectif politique du projet de loi C-64 était d’enlever aux Canadiens leur couverture privée en matière de santé.
Voilà un exemple classique de quelqu’un qui est aveuglé par l’idéologie et qui n’arrive pas à voir les conséquences réelles de ses actes. Le gouvernement néo-démocrate—libéral semble prêt à détruire le système actuel pour faire avancer son programme idéologique. C’est la seule explication pour laquelle le gouvernement néo-démocrate—libéral voudrait mettre en péril la couverture de santé de 27 millions de Canadiens.
Permettez-moi de répéter que le projet de loi C-64 a été conçu de manière à promettre tout à tout le monde. C’était un moyen pour Justin Trudeau de maintenir la coalition néo-démocrate—libérale au pouvoir sans effrayer la classe moyenne. Grâce à notre travail au Sénat, nous connaissons maintenant la vérité.
Le projet de loi C-64 est en réalité un cheval de Troie. J’ai dit dans mon discours de deuxième lecture que c’était bien ce que je craignais. Le ministre Holland a officiellement confirmé par écrit au comité que le but ultime du projet de loi est que le gouvernement fédéral prenne en charge tous les médicaments au Canada, ce qui fermerait la porte aux soins de santé privés pour des millions de Canadiens.
(1730)
Il a écrit ceci :
Dans le cadre de ce programme, le coût de ces médicaments sera pris en charge et administré par le régime public, plutôt que par une combinaison de payeurs publics et privés.
Lors de sa comparution au Comité de la santé de la Chambre des communes, le ministre Holland a dit qu’aucun Canadien ne devrait perdre l’assurance-médicaments offerte par son employeur en raison du régime national d’assurance-médicaments. Puis, il a ajouté ceci : « Personne ne va perdre [l]a couverture » des régimes existants. « [N]ous nous assurons que les personnes peuvent choisir [...] »
Chers collègues, ces propos sont tout simplement des mensonges flagrants.
La lettre du ministre adressée au comité sénatorial est tout simplement le contraire de ce qu’il a dit à la Chambre des communes. C’est une approche typiquement libérale : on dit une chose à un groupe, puis autre chose à un autre groupe. Le problème, c’est que les Canadiens ont accès aux travaux des deux Chambres du Parlement et ils peuvent constater par eux-mêmes que Mark Holland les induit en erreur.
Cette volte-face du ministre Holland confirme le résultat redouté par la plupart des gens : un régime d’assurance-médicaments administré par l’État commencerait par éroder l’assurance-maladie privée, puis il l’éliminerait, et ce, sans que l’on sache comment il fonctionnera et à quel prix.
Selon le directeur parlementaire du budget, le projet de loi C-64 pourrait coûter 1,9 milliard de dollars par année au gouvernement fédéral seulement pour couvrir le coût des médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
Imaginez lorsque les partisans du projet de loi C-64 auront terminé leur travail de destruction de nos régimes de santé actuels et que le gouvernement remboursera tout pour tout le monde. Du moins, il prétendra le faire. Combien tout cela va-t-il coûter? Dans quelle mesure faudra-t-il augmenter les impôts? Car il faudra augmenter les impôts. Sinon, comment un gouvernement fédéral avec un déficit de 40 milliards de dollars et une dette de 1 billion de dollars pourrait-il financer cette expérience? Cela doit passer par les impôts.
On a démontré les conséquences qu’aurait le projet de loi C-64 sur les Canadiens lors de la dernière réunion du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Des intervenants de divers secteurs, dont l’assurance-maladie, avec l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes; les employeurs, avec la Chambre de commerce du Canada; et le secteur pharmaceutique, avec Médicaments novateurs Canada, ont été unanimes : l’incertitude entourant le projet de loi C-64 aura un effet négatif sur l’assurance-médicaments au Canada.
Des Canadiens qui se fient à leur assurance-médicaments privée pour obtenir leurs médicaments quotidiens se demandent maintenant ce qui va arriver à leur couverture. Par ailleurs, des employeurs qui offrent actuellement une assurance-médicaments à leurs employés se demandent ce qui va arriver à la couverture qu’ils offrent.
Chers collègues, permettez-moi de vous lire quelques faits saillants de cette réunion.
En ce qui concerne le sort de la couverture actuelle des médicaments sur ordonnance, Stephen Frank, de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, a dit ceci :
Pour la majorité des Canadiens, le projet de loi, dans sa forme actuelle, éliminera la couverture des médicaments sur ordonnance payée par l’employeur pour ces médicaments. Cela limitera les choix. On utilisera les maigres fonds fédéraux pour remplacer la couverture existante, ce qui créera un énorme vide pour les Canadiens non assurés qui ont besoin d’autres médicaments que les médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
Bettina Hamelin, présidente de Médicaments novateurs Canada, a déclaré ce qui suit sur le potentiel réel du projet de loi C-64 :
La première observation est qu’il faut s’appuyer sur les régimes d’assurance-médicaments actuels au Canada plutôt que de le remplacer par des listes de médicaments remboursés par un régime public universel. Le projet de loi actuel risque fort de réduire l’accès des Canadiens aux médicaments dont ils ont besoin et à ceux auxquels ils ont déjà accès.
Enfin, sur la question de savoir si les Canadiens sont mieux servis par le projet de loi C-64, Kathy Megyery, de la Chambre de commerce du Canada, a dit ceci :
Il n’est pas nécessaire de défaire complètement un système qui fournit à la majorité des Canadiens la couverture dont ils ont besoin et qu’ils apprécient. Un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique ne ferait qu’empirer la situation de la plupart des Canadiens. À l’heure actuelle, la majorité des Canadiens sont couverts par le régime de leur employeur. Ces Canadiens ont accès aux médicaments en deux fois moins de temps que ceux qui sont couverts par un régime public, y compris trois fois plus de nouveaux médicaments novateurs approuvés par Santé Canada.
Comme vous pouvez le constater, chers collègues, ce projet de loi aurait des répercussions, comme des pénuries de médicaments, un accès réduit et une réduction des investissements dans les médicaments novateurs.
La Chambre de commerce du Canada s’est dite préoccupée par la perte potentielle de productivité attribuable à une population en moins bonne santé, tout cela au nom de l’idéologie du gouvernement néo-démocrate—libéral que partagent ses partisans au Sénat.
Dans un sondage mené au sujet des services et des assurances dans le domaine de la santé au Canada, la question suivante a été posée : « Que devraient faire les conservateurs avec le régime national d’assurance-médicaments s’ils remportent les prochaines élections? » Je préférerais qu’on dise « lorsqu’ils remporteront les prochaines élections ». Soixante-quatorze pour cent des Canadiens ont dit vouloir une approche différente. Je tiens à être clair, chers collègues : heureusement que ce n’est pas dans un avenir trop lointain. Leur souhait sera exaucé.
La coalition néo-démocrate—libérale croit savoir mieux que les provinces ce dont elles ont besoin. Ses membres ne font que mépriser les compétences provinciales. Ils se sont immiscés à maintes reprises dans les affaires provinciales, causant le désordre et le chaos, et, bien franchement, de nombreux premiers ministres en ont assez. Le Québec et l’Alberta ont signalé leur intention de ne pas participer au programme et ont exhorté le gouvernement fédéral à s’en tenir à ses champs de compétence.
La sénatrice Seidman a déjà parlé d’Adriana LaGrange, ministre de la Santé de l’Alberta, qui a été claire :
Le gouvernement fédéral continue de présenter des initiatives en matière de santé comme un moyen de poursuivre ses propres objectifs politiques, alors que sa responsabilité réelle est d’agir en bon partenaire pour la viabilité à long terme des initiatives en matière de santé et l’amélioration des résultats connexes. Les provinces et les territoires ont la compétence exclusive en matière de planification, d’organisation et de gestion de nos systèmes de soins de santé.
Voilà quel est le plus gros problème en ce qui concerne le projet de loi C-64 : le gouvernement libéral continue d’empiéter sur les compétences des provinces pour atteindre ses propres objectifs politiques.
Au lieu de réparer ce qui est cassé, la coalition néo-démocrate-libérale préfère briser ce qui fonctionne pour imposer son idéologie aux Canadiens. Cette initiative accaparera une part encore plus grande de l’argent des contribuables canadiens, en plus d’accroître l’incertitude dans les secteurs des produits pharmaceutiques et de l’assurance. Je tiens à souligner que ces deux secteurs ont besoin de stabilité pour prospérer et répondre aux besoins des Canadiens.
Le projet de loi C-64 englobe tout ce que les conservateurs reprochent au gouvernement Trudeau depuis le premier jour. Le gouvernement Trudeau se concentre sur les séances de photos plutôt que sur les vraies politiques. C’est un gouvernement qui ne laissera jamais les faits barrer la route à ses obsessions idéologiques. C’est un gouvernement qui croit qu’Ottawa sait ce qui est le mieux pour tout le monde et qui n’a aucun respect pour les compétences provinciales ni pour les deniers publics. C’est un gouvernement toujours prêt à recourir au mensonge et à la tromperie pour faire avancer ses priorités.
Espérons que l’assurance-médicaments sera la dernière expérience de Justin Trudeau, « l’apprenti sorcier ». Je n’exagère pas en disant que cela pourrait précipiter l’effondrement de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique et marquer la fin de la couverture privée des soins de santé au Canada. L’industrie pharmaceutique pourrait être la dernière à plier bagage et à quitter le pays, victime du programme radical du gouvernement Trudeau.
(1740)
Qu’il s’agisse de nourriture, de chauffage, de logement ou de médicaments, tous les Canadiens devraient voir leurs besoins fondamentaux satisfaits. Le gouvernement Trudeau a brisé le Canada, et les besoins fondamentaux d’un nombre croissant de Canadiens ne sont pas comblés. L’itinérance est en hausse, de même que l’insécurité alimentaire. Le chauffage domestique est de plus en plus cher. Et voilà que l’accès aux médicaments est compromis. Soyons clairs : les Canadiens ne perdront pas leur couverture dès que la gouverneure générale aura apposé sa signature. Comme ce fut le cas pour les autres besoins fondamentaux, c’est au fil du temps que l’on constatera les dommages causés par Justin Trudeau.
Au lieu de se concentrer sur les problèmes les plus urgents du système de santé, comme les temps d’attente et le manque de médecins, d’infirmières et de lits, la coalition néo-démocrate—libérale a décidé de dépenser des milliards de dollars pour des personnes qui ont déjà une couverture. S’il ne fait aucun doute que tous les Canadiens n’ont pas accès aux médicaments dont ils ont besoin, la panacée qu’on nous fait miroiter avec le projet de loi C-64 ne fera qu’empirer les choses.
Les données dont nous disposons militent nettement contre le projet de loi C-64 et le passage à un modèle de régime public d’assurance-médicaments à payeur principal. Le bon sens nous dicte clairement de protéger l’assurance-maladie privée dont jouissent les Canadiens en votant contre le projet de loi C-64.
Une minorité de Canadiens n’a aucune assurance et n’a pas les moyens de payer les médicaments; il ne fait aucun doute que le gouvernement peut les aider, mais l’approche uniforme proposée est une très mauvaise solution. Rappelons que 67 % des Canadiens ont accès à une assurance-médicaments offerte par leur employeur, une association ou un régime privé et qu’un deuxième groupe, correspondant à 20 % de la population, est couvert par les régimes gouvernementaux déjà en vigueur. Le régime néo-démocrate—libéral leur fera perdre cette protection.
Sénateur Yussuff, parmi les gens qui perdront le plus à cause du projet de loi C-64 figurent les travailleurs syndiqués, qui ont livré une dure bataille pour obtenir la protection dont ils bénéficient actuellement. Leurs régimes disparaîtront si la coalition néo-démocrate—libérale parvient à ses fins. Sénateur, c’est nous que vous devriez soutenir, et non ce programme.
Les employeurs voient dans l’assurance-médicaments une façon d’attirer et de fidéliser les employés. L’un des effets du projet de loi C-64, c’est qu’ils n’auront plus aucune raison d’offrir une meilleure assurance. Tout le monde au Canada sera sur un pied d’égalité; tout le monde aura seulement accès à l’assurance minimale offerte par l’État. Chers collègues, voilà un autre exemple qui met en évidence le gouffre qui sépare les néo-démocrates et les libéraux des travailleurs ordinaires. Ces deux partis ne défendent plus les travailleurs : ils défendent leur idéologie.
Pour régler la crise de la santé, les Canadiens ont besoin de solutions concrètes, abordables et pleines de bon sens. Pour que la fédération canadienne fonctionne, il faut que le gouvernement fédéral cherche des solutions en collaboration avec les provinces au lieu de leur en imposer. C’est en unissant leurs efforts que les Canadiens pourront régler les problèmes complexes et améliorer leur qualité de vie et celle des générations à venir. Voilà le Canada dont je me souviens, celui que nous retrouverons quand la coalition entre les néo-démocrates et les libéraux prendra fin, qu’un gouvernement conservateur plein de bon sens sera de nouveau à la tête du pays et que le gouvernement collaborera avec les provinces et les Canadiens dans le but d’améliorer le sort de toute la population.
Chers collègues, je tiens à vous dire que les conservateurs s’opposeront à l’unanimité au projet de loi C-64. Nous ne ferons pas retentir la sonnerie pendant une heure. Nous savons que les dés sont pipés. Nous savons que cela n’aura pas lieu. Nous voulons donc voter unanimement contre cette mesure législative très nuisible.
À vrai dire, j’espère que deux autres sénateurs voteront contre ce projet de loi. Nous nous rallierons à eux avec plaisir. Honorables sénateurs, je vous remercie.
Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Arnot, appuyée par l’honorable sénatrice Clement, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je pense aujourd’hui à mon ami David ainsi qu’à ses sœurs et à sa mère, qui se sont battus sans relâche dès son arrestation à l’âge de 16 ans, lors de sa condamnation injustifiée pour viol et meurtre, et tout au long des 23 années qu’il a passées derrière les barreaux.
David m’a été présenté par un autre ami, Donald Marshall fils. Ils sont tous deux restés marqués, même après avoir été innocentés. Tous deux, mais surtout David Milgaard, se sont consacrés à la réparation des erreurs judiciaires subies par d’autres.
Lors de notre dernière communication avant son décès en 2022, David m’a imploré d’intensifier notre combat pour nos amis communs, en particulier les 12 femmes autochtones qui attendent toujours d’être innocentées.
Le Canada a besoin d’une commission qui puisse enquêter de manière indépendante sur les erreurs judiciaires. Nous devons donc veiller à ce que ce projet de loi portant le nom de David soit digne de son héritage et capable de faire justice, y compris, et surtout, pour les femmes autochtones et les autres personnes les plus marginalisées pour lesquelles David Milgaard s’est battu jusqu’à ses derniers jours.
Nous devons remédier aux insuffisances du projet de loi C-40 afin qu’il ne répète pas les erreurs de l’actuel système d’examen ministériel, qui n’aborde pas le sexisme, le racisme et la violence coloniale systémiques et qui, en fait, en devient trop souvent un autre exemple. Le rapport de 2022 adressé au ministère de la Justice par les juges Harry LaForme et Juanita Westmoreland-Traoré, intitulé Une Commission sur les erreurs judiciaires, révèle le racisme et la misogynie systémiques que le projet de loi C-40 doit surmonter.
En juillet 2024, 200 personnes avaient demandé un examen au motif d’erreur judiciaire. Trente seulement ont été autorisées à retourner devant le tribunal pour subir un nouveau procès et à peine 24 ont eu gain de cause. La plupart étaient des hommes blancs. Seulement sept, dont la plupart ont bénéficié d’un examen au cours des dernières années, étaient des hommes racisés. Pas une seule n’était une femme.
Les juges LaForme et Westmoreland-Traoré considèrent que le projet de loi C-40 est une suite « [...] peu satisfaisant[e] » donnée aux consultations qu’ils ont menées et à leurs recommandations méticuleuses et réfléchies.
Le Comité des affaires juridiques doit se pencher sur les lacunes relevées par les juges et par de nombreux autres experts et défenseurs des droits. Il s’agit notamment du mandat limité de la commission et des mesures correctives limitées, des ressources inadéquates et de l’absence de mesures visant à protéger la diversité de la commission et de ses membres. En particulier, il faut tenir compte des expériences vécues par les femmes autochtones, qui représentent plus de la moitié des femmes incarcérées dans les prisons fédérales.
À cet égard, l’absence de processus d’examen en bloc et d’examens des peines dans le projet de loi C-40 est particulièrement troublante. En 2022, nous avons publié un rapport qui présentait des arguments clairs et concluants pour justifier l’examen en bloc des affaires de 12 femmes autochtones. Les erreurs judiciaires que celles-ci continuent de subir découlent de défaillances discriminatoires systémiques du système de justice pénale et du système carcéral, qui ne reconnaissent pas adéquatement les inégalités causées par le racisme, le sexisme, la violence et les traumatismes, ne les contextualisent pas et n’y remédient pas.
La contextualisation côte à côte des récits des femmes permet une détermination et une analyse plus complètes de l’intersection et des schémas d’inégalité systémique, de discrimination et de violence.
Pour fournir ce contexte crucial, puisque je n’aurai le temps de parler que d’une ou deux femmes aujourd’hui, je demande le consentement du Sénat, conformément à l’article 14-1(4) du Règlement, pour déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Injustices et erreurs judiciaires subies par 12 femmes autochtones.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ». Le consentement n’est pas accordé.
La sénatrice Pate : Comme beaucoup d’autres, les 12 femmes dont il est question dans ce rapport illustrent les répercussions intergénérationnelles du retrait forcé d’une personne de ses terres, de son foyer, de sa famille et de sa communauté, sans mentionner le manque de soutien économique, social, sanitaire et autre qui en découle. Chacune d’entre elles a été une victime avant d’être transformée en criminelle, plus susceptible d’être persécutée que protégée par les systèmes étatiques. La plupart d’entre elles font face à une violence et à un danger permanents et omniprésents.
(1750)
Trop de ces femmes sont abandonnées à leur sort et se retrouvent avec la responsabilité de se protéger elles-mêmes et de protéger les personnes dont elles ont la charge. Puis, lorsqu’elles sont obligées de réagir, elles sont rapidement accusées et condamnées, d’une façon disproportionnée, surtout si leur réaction est caractérisée comme violente.
Carol Daniels, l’une des 12 femmes, est morte sans que justice lui soit rendue. Cette survivante d’agression sexuelle pendant son enfance était encore une adolescente lorsqu’elle a fait un usage défensif de la force, ce qui a entraîné la mort d’une femme qui facilitait son exploitation sexuelle par un homme connu pour avoir agressé de jeunes femmes autochtones et pour avoir documenté les agressions sexuelles qu’il avait perpétrées dans des vidéos et des photos.
Carol n’a pas révélé, même à ses avocats, les traumatismes qu’elle avait subis pendant son enfance. Elle avait honte. Ses avocats ont omis de se renseigner et, par conséquent, ils ne l’ont pas défendue de manière adéquate ou ils n’ont pas mis en contexte la manière dont les expériences de Carol en matière de racisme, de sexisme et de violence avaient influé sur ses actions lorsqu’elle avait tenté de se défendre et de défendre d’autres jeunes femmes contre d’autres prédateurs.
Combien de juges ou d’avocats peuvent s’imaginer avoir à se défendre eux-mêmes parce que les acteurs étatiques pourraient ne pas intervenir pour assurer leur sécurité ou, pire encore, pourraient s’impliquer dans les actes de violence?
Carol a été reconnue coupable de meurtre au second degré. Elle a été condamnée à une peine minimale obligatoire d’emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans. Personne n’a demandé à la Cour d’appel de la Saskatchewan de déterminer si Carol aurait même dû être considérée comme criminellement responsable d’avoir tenté d’échapper à ses prédateurs. Ses avocats se sont plutôt concentrés sur la question de savoir si un transfèrement à l’autre bout du pays, à la prison des femmes de Kingston — à l’époque, la seule prison fédérale pour femmes —, violerait ses droits garantis par la Charte. En conséquence, en plus de sa condamnation injustifiée, Carol a été envoyée, dès le départ, purger sa peine en isolement dans une prison pour hommes en Saskatchewan.
Une autre femme, Jamie Gladue, 19 ans, était enceinte de son deuxième enfant quand elle a poignardé son conjoint de fait violent. Ce dernier les avait fait déménager à Nanaimo, loin du réseau de soutien de Jamie, à Calgary. Inquiet pour la sécurité de celle-ci, son père, qui était célibataire, avait suivi Jamie et Reuben en Colombie-Britannique et il avait emménagé dans un logement voisin.
La nuit où Jamie l’a poignardé, Reuben l’avait d’abord battue, puis il s’était introduit dans la maison de son beau-père par la fenêtre d’une chambre et il avait violé sa belle-sœur. À son retour, il s’en était vanté auprès de Jamie, il l’avait battue de nouveau et il avait tenté de retourner dans le logement où vivaient sa belle-sœur et son beau-père. Jamie l’avait poignardé alors qu’il tentait d’entrer par la porte avant du logement.
Il n’a jamais été question de ces circonstances devant le tribunal. Pire encore, compte tenu de la façon raciste et misogyne dont la situation a été interprétée et dont on a traité Jamie, ses gestes n’ont pas été qualifiés de tentatives de se défendre ou de défendre sa sœur. Au lieu de cela, dans le dossier de l’affaire, qui fait maintenant partie de la jurisprudence canadienne, elle a été décrite comme une épouse jalouse qui avait tué Reuben parce qu’il avait une aventure.
Avec l’affaire Jamie Gladue, c’était la première fois qu’on demandait à la Cour suprême du Canada d’interpréter l’alinéa 718.2e) du Code criminel; il fallait donc appliquer le principe voulant que les tribunaux doivent tenir compte de l’histoire des Autochtones et des solutions autres que l’incarcération au moment de la détermination de la peine. Malheureusement, la cour ne s’est pas demandé si les accusations auraient dû ne pas déboucher sur des poursuites ou si elles étaient même justifiées au départ, ni pourquoi on n’avait jamais envisagé la possibilité d’invoquer la légitime défense ou la défense d’autrui. Pire encore, comme trop d’autres femmes autochtones par la suite, Jamie n’a pas bénéficié des dispositions de l’alinéa 718.2e). Il y a tellement de femmes autochtones qui pourraient invoquer une défense mais qui, parce qu’elle les expose en cas d’échec à une peine automatique d’emprisonnement à perpétuité, se voient presque inévitablement offrir la possibilité de plaider coupable à un chef d’accusation moins grave pour recevoir une peine moins sévère, et presque inévitablement, honorables collègues, elles font ce choix.
Comme notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair l’a expliqué dans le rapport de 1991 de la Commission d’enquête sur l’administration de la justice et les Autochtones du Manitoba, les négociations de plaidoyer injustifiées sont le produit d’un système juridique qui n’a pas confiance en la capacité des peuples autochtones de dire la vérité.
En 1997, le rapport final de L’Examen de la légitime défense du gouvernement fédéral a mis en lumière la décision des femmes de plaider coupable. En plus des préoccupations soulevées par l’ex-juge Sinclair, la juge Ratushny a souligné un désavantage supplémentaire pour les femmes battues. En raison de la résistance sociétale et juridique à faire confiance aux récits des femmes et des enfants victimes de violence, invoquer la défense de soi ou d’autrui dans ces contextes nécessite généralement des témoins supplémentaires, car le point de vue de la victime n’est trop souvent pas pris en compte. Souvent, les seuls témoins oculaires sont des enfants, et la plupart des femmes répugnent à soumettre leurs enfants au traumatisme d’un témoignage devant un tribunal, de sorte que beaucoup renoncent à se défendre et concluent des accords de plaidoyer.
Certaines femmes autochtones n’ont pas accès à un avocat. Dans de nombreux cas, cependant, même les avocats expérimentés ont du mal à reconnaître la pertinence des expériences de violence, de colonialisme et de misogynie et à axer leur défense sur ces expériences de manière à contrer efficacement les mythes et les stéréotypes encore trop répandus, qui ont été soulignés une fois de plus très publiquement par la Commission sur les pertes massives.
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées décrit comme suit les injustices qui résultent de l’absence de mise en contexte de la réalité des femmes autochtones :
Dans le cas de plusieurs femmes autochtones, le système de justice canadien criminalise les actes qui découlent directement de leur instinct de survie. Cette situation recrée les modèles du colonialisme, car on jette le blâme et la responsabilité sur les femmes autochtones et sur les choix qu’elles ont faits, et on ignore les injustices systémiques qu’elles subissent et qui les amènent souvent à commettre des crimes.
En comité à l’autre endroit, une nouvelle disposition a été ajoutée au projet de loi C-40 qui donne à la commission d’examen des affaires pénales indépendante l’option de faire des recommandations « aux autorités et organismes publics concernés [...] en vue de régler les problèmes systémiques susceptibles de mener à des erreurs judiciaires ».
Toutefois, ce processus semble toujours dépendre de la capacité à identifier, à partir d’un cas individuel, les caractéristiques sous-jacentes de l’oppression des femmes autochtones, ce que le système de justice pénale n’a toujours pas réussi à faire adéquatement et systématiquement, si tant est qu’il ait tenté de le faire.
En l’absence d’un processus d’examen collectif permettant de mettre en parallèle plusieurs cas et de mettre en évidence leurs caractéristiques sous-jacentes, nous risquons de transformer le processus d’examen en une autre couche d’inégalité et d’injustice.
Une deuxième omission flagrante dans le projet de loi C-40 est l’absence de mesures qui permettraient à la commission indépendante de passer en revue les peines injustes. Les juges LaForme et Westmoreland-Traoré ont recommandé que le système canadien permette la révision des peines, à l’instar des systèmes anglais, écossais, néo-zélandais et norvégien. Les juges soulignent que David Milgaard a maintenu catégoriquement que nous ne devons jamais fermer la porte à quiconque a subi des injustices. Ils signalent que les Autochtones et les Noirs canadiens sont particulièrement susceptibles d’être condamnés sur la base de faits inexacts ou sans que tous les faits pertinents aient été dûment pris en considération.
Dans le cas de Carol Daniels, nous avons expliqué comment les avocats n’ont pas réussi à la défendre en replaçant ses actes dans le contexte de son enfance marquée par les agressions et de sa tentative d’échapper à un prédateur sexuel. La peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité découlant de sa condamnation injustifiée signifiait alors que le tribunal ne pouvait pas envisager d’autres solutions que l’emprisonnement.
Pour Jamie Gladue, c’est le risque d’une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité qui l’a incitée à plaider coupable. Il n’y a jamais eu un examen de l’ensemble des faits dans son affaire et de l’injustice flagrante de sa poursuite et de sa condamnation. La question de savoir si la peine était juste n’a jamais été débattue devant les tribunaux et n’a donc jamais été tranchée par un juge.
Nous devons reconnaître le caractère injuste des peines minimales obligatoires, d’autant plus que les tribunaux continuent d’invalider ces peines au motif qu’elles sont injustes et inconstitutionnelles. Le fait de contester une peine, et pas seulement une condamnation en tant qu’erreur judiciaire pourrait être particulièrement important étant donné que l’on rejette souvent la responsabilité sur les épaules des femmes autochtones. Leurs réactions raisonnables face à une violence déraisonnable sont rarement mises en contexte, et trop de policiers, d’avocats et de juges ne cherchent pas à en savoir plus lorsqu’ils entendent quelqu’un assumer sa responsabilité, peu importe que la personne le fasse pour des raisons personnelles, familiales, communautaires ou culturelles. Par conséquent, trop de personnes se heurtent à des obstacles pour faire valoir leur innocence factuelle et sont donc souvent rejetées par les avocats et les organisations, sans parler du ministère de la Justice, lorsqu’elles cherchent à contester une condamnation injustifiée dans le cadre du système actuel.
Comme l’a souligné la juge Greckol dans l’affaire Naslund :
[...] une femme ayant subi des abus flagrants pendant 27 ans pourrait avoir tendance à croire qu’elle mérite d’être punie sévèrement. Ce n’est pas une raison pour que le système judiciaire en fasse autant.
David Milgaard a préconisé la création d’un organisme d’examen chargé de remédier aux condamnations et aux peines injustes. Corrigeons ce projet de loi pour que nous puissions réaliser son rêve.
Meegwetch, merci.
L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole de l’opposition à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-40, Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, qui créerait un organisme chargé d’examiner les condamnations injustifiées potentielles et d’enquêter sur celles-ci.
Avant de commencer à parler du fond du projet de loi, je tiens à souligner à quel point il a été difficile d’obtenir des réponses du gouvernement Trudeau à ce sujet. J’ai posé des questions aux fonctionnaires du ministère de la Justice lors de ma séance d’information comme porte-parole sur ce projet de loi, il y a trois semaines, et je n’ai toujours pas reçu de réponses complètes à certaines d’entre elles. Je n’ai reçu que quelques réponses minimales par courriel.
J’ai posé des questions au parrain du projet de loi C-40, le sénateur Arnot, après son discours relativement bref il y a trois semaines, mais je les ai finalement reçues il y a quelques heures à peine. Malheureusement, ces réponses ne sont pas particulièrement pertinentes. Je suis certaine que ce n’est pas la faute du sénateur Arnot, mais celle du gouvernement Trudeau, qui est censé lui fournir ces réponses.
(1800)
En outre, le gouvernement Trudeau, qui se prétend féministe, se vante de mener des analyses comparatives entre les sexes plus sur tous les projets de loi. Or, le document gouvernemental contenant les résultats de cette analyse n’a été publié ni sur le site Web du gouvernement ni sur le portail des mesures législatives du Parlement, et il n’a pas non plus été fourni dans le cadre de la séance d’information donnée par le gouvernement aux sénateurs sur ce sujet. J’ai dû en demander une copie au sénateur Arnot, et je le remercie d’avoir veillé à ce que je la reçoive plus tôt cette semaine.
Cependant, tout cela révèle un problème plus grand au sein du Sénat indépendant de Trudeau, soit l’absence de relations entre les sénateurs qui parrainent les projets de loi du gouvernement et le caucus du gouvernement. Le représentant du gouvernement au Sénat dispose d’un temps illimité pour présenter un discours substantiel et détaillé préparé par le gouvernement afin de donner aux sénateurs l’occasion d’entendre le raisonnement qui sous-tend l’orientation principale qui sous-tend le projet de loi. Malheureusement, il est devenu courant que le leader du gouvernement au Sénat et le caucus sénatorial du gouvernement Trudeau qu’il dirige refusent de s’exprimer sur les projets de loi d’initiative ministérielle dont le Sénat est saisi. Le sénateur Gold n’a pas encore prononcé de discours à l’étape de la deuxième ou de la troisième lecture depuis la reprise des travaux le mois dernier. Par conséquent, les sénateurs n’ont pas non plus l’occasion de poser des questions au gouvernement sur ces projets de loi gouvernementaux. Les sénateurs doivent se contenter de poser des questions à un sénateur indépendant qui parraine le projet de loi.
Trop souvent, on ne répond pas aux questions les plus élémentaires sur un projet de loi. Il n’existe pas non plus de véritable processus de reddition de comptes nous permettant d’obtenir des réponses de la part des parrains des projets de loi.
Trop souvent, les sénateurs indépendants ne font que de brèves interventions aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture. Leurs discours sont parfois si peu détaillés que les sénateurs ne peuvent pas en tirer suffisamment d’informations pour mener un débat solide.
Il fut un temps — pas si lointain — où le Sénat menait des débats importants et substantiels sur les projets de loi du gouvernement. Maintenant, les discours des parrains ne dépassent généralement pas 15 minutes. La semaine dernière, le parrain d’un projet de loi émanant du gouvernement n’a parlé que sept minutes à l’étape de la deuxième lecture et trois minutes à l’étape de la troisième lecture. Le gouvernement avait exigé que le Sénat adopte le projet de loi en seulement deux jours, de sa présentation jusqu’à la sanction royale.
Des sénateurs indépendants parrainant des projets de loi gouvernementaux ont même prononcé leur discours au Sénat avant d’avoir reçu leur séance d’information au sujet du projet de loi. Certains parrains ont refusé de répondre aux questions. Pendant ce temps, les détracteurs des projets de loi se font dire qu’ils doivent se dépêcher de faire leur discours pour que le projet de loi soit renvoyé au comité.
Ce n’est pas de la bonne gouvernance, ce n’est pas un bon débat parlementaire et ce n’est pas le second examen objectif qui permet de s’assurer que les projets de loi sont mis à l’épreuve et bien examinés, afin qu’ils soient les meilleurs possible dans l’intérêt des Canadiens.
Passons maintenant à la teneur du projet de loi. Le projet de loi C-40 vise à créer une commission indépendante chargée d’examiner les allégations d’erreurs judiciaires et d’enquêter sur celles-ci. La commission pourra renvoyer la question aux tribunaux pour la tenue d’un nouveau procès. La commission jouera un rôle actuellement assumé par le ministre, soit celui d’examiner les demandes d’examen et d’ordonner un appel en cas d’erreur judiciaire potentielle. Le projet de loi C-40 élargit et clarifie la liste des candidats potentiels en incluant les personnes condamnées en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les personnes non responsables sur le plan criminel et celles qui ont bénéficié d’un pardon ou d’une absolution inconditionnelle ou conditionnelle.
Le projet de loi fait en sorte que le demandeur et le procureur général de la province concernée soient tous deux avisés de l’admissibilité d’une demande. De plus, pour des raisons de transparence, le projet de loi prévoit que la commission doit publier ses décisions en ligne.
Le titre abrégé de ce projet de loi est « Loi de David et Joyce Milgaard ». Je suis certaine que la plupart des Canadiens reconnaîtront la référence à l’affaire Milgaard. David Milgaard était un jeune de 16 ans de Winnipeg, qui a été reconnu coupable à tort, en 1969, du viol et du meurtre de Gail Miller, une aide-infirmière, à Saskatoon. M. Milgaard a passé plus de 22 ans en prison pour des crimes qu’il n’avait pas commis. Il a toujours maintenu son innocence alors même qu’il savait que, sans un aveu de culpabilité, il n’obtiendrait vraisemblablement pas une libération conditionnelle. Victime de violences en prison, M. Milgaard a fait plusieurs tentatives de suicide. Il s’est évadé deux fois. Pendant plus de 22 ans, sa mère, Joyce, s’est efforcée sans relâche d’obtenir que la déclaration de culpabilité de David soit cassée. Elle a rallié d’autres personnes à la cause de son fils et elle a monté une campagne publique pour établir l’innocence de celui-ci.
En 1988, les Milgaard ont demandé une révision de la condamnation, jugée injustifiée, à la ministre de la Justice, Kim Campbell. En 1991, Joyce Milgaard a même parlé brièvement avec le premier ministre Brian Mulroney dans la rue à Winnipeg, plaidant la cause de son fils. Je m’en souviens bien, parce que cette rencontre a eu lieu au début de ma première année de droit à l’Université de la Saskatchewan, à Saskatoon. Nous avons même étudié l’affaire Milgaard dans mon cours de droit pénal de première année ce semestre-là.
La ministre de la Justice, Kim Campbell, a finalement renvoyé l’affaire Milgaard à la Cour suprême du Canada. La Cour suprême a recommandé l’annulation de la condamnation, et David Milgaard a été libéré de prison en 1992. La ministre Campbell a ordonné un nouveau procès. Cependant, le gouvernement de la Saskatchewan ne l’a pas fait. Il a plutôt suspendu les poursuites contre David Milgaard sans proclamer son innocence.
Joyce et David Milgaard ont poursuivi leur combat pour blanchir le nom de David. En 1997, des éléments de preuve provenant des vêtements de la victime du meurtre, Gail Miller, ont fait l’objet d’analyse de l’ADN. Ces éléments de preuve ont permis d’exonérer David Milgaard et ont mené les forces policières au violeur reconnu coupable Larry Fisher. Larry Fisher a été inculpé et jugé pour le viol et le meurtre de Gail Miller. Mon conjoint, Dave Batters, a assisté à une partie du procès à Yorkton, en Saskatchewan, où Al Johnston a mené de main de maître la mise en accusation de Larry Fisher. Un jury a condamné Larry Fisher pour le viol et le meurtre de Gail Miller en 1999, 30 ans plus tard.
En 2003, le gouvernement de la Saskatchewan a lancé une enquête officielle sur la condamnation injustifiée de David Milgaard. Des années plus tard, j’ai travaillé comme cheffe de cabinet du ministre de la Justice de la Saskatchewan, Don Morgan. J’occupais ce poste en 2008 lorsque le ministre Morgan a rendu publics les résultats de l’enquête Milgaard. J’ai même eu l’honneur de rencontrer Joyce Milgaard avant la conférence de presse cette journée-là.
L’une des recommandations de l’enquête Milgaard était la création d’une commission indépendante chargée d’examiner les condamnations injustifiées; ce que propose le projet de loi C-40 va dans le même sens. La création d’une commission indépendante d’examen des affaires pénales figurait dans les lettres de mandat de l’ancien ministre de la Justice de M. Trudeau, David Lametti, en 2019 et en 2021. En mars 2021, le ministre Lametti a annoncé la nomination de deux juges à la retraite, l’honorable Harry S. LaForme et l’honorable Juanita Westmoreland-Traoré, chargés de mener des consultations sur la création d’une commission indépendante d’examen des affaires pénales. À l’issue de ce processus, ils ont publié un rapport contenant des recommandations à propos de la structure et du fonctionnement d’une commission indépendante.
Le gouvernement Trudeau n’a pas suivi plusieurs des recommandations du rapport. Je m’attarderai davantage sur ce point plus tard, mais, tout d’abord, examinons la structure de la commission que le projet de loi C-40 propose d’établir.
Sous ce nouveau régime, la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire serait composée d’un commissaire en chef à temps plein et de quatre à huit autres commissaires à temps plein ou à temps partiel, nommés par le gouverneur en conseil sur avis du ministre de la Justice. Au moins un tiers des commissaires, y compris le commissaire en chef, mais pas plus de la moitié des commissaires doivent être des avocats comptant au moins 10 ans d’expérience en droit pénal. Le projet de loi C-40 stipule que l’autre moitié des commissaires ne doit pas, si possible, être composée d’avocats ayant au moins 10 ans d’expérience en droit pénal.
Je dois dire que je trouve l’insistance mise sur les non-avocats vraiment surprenante pour une commission d’examen du système judiciaire qui dispose de pouvoirs d’enquête et qui peut renvoyer des cas aux tribunaux pour faire appel d’une décision ou pour demander un nouveau procès.
Mardi soir, au Sénat, le sénateur Dalphond a confirmé que, dans le cadre du système actuel, le Groupe de la révision des condamnations criminelles du ministère de la Justice du Canada, qui examine les cas envoyés au ministre de la Justice, est entièrement composé d’avocats. C’est important, étant donné la gravité des cas dont nous parlons en ce moment.
L’une des raisons invoquées par le gouvernement Trudeau pour justifier la nouvelle structure de la commission est, apparemment, de remédier à la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale. Pourtant, je remarque également que le projet de loi C-40 n’inclut pas la recommandation formulée dans le rapport des juges selon laquelle le tiers des commissaires devrait être issu de ces groupes, notamment les Autochtones et les Noirs. Le projet de loi prévoit seulement que le ministre doit « prend[re] en compte » les facteurs comme la surreprésentation, la diversité de genre, etc., dans le cadre des nominations à la commission.
De toute façon, les commissaires exercent un mandat assez long de sept ans, qui peut également être renouvelé. Le projet de loi indique que les commissaires peuvent être révoqués « pour un motif valable », ce qui est une norme élevée, mais il ne détaille pas précisément le fonctionnement du processus. Le quorum est constitué par la moitié des commissaires, mais le projet de loi C-40 ne précise pas si ce quorum doit inclure le commissaire en chef, voire les commissaires avocats.
En fait, beaucoup de détails ne sont pas précisés dans le projet de loi C-40. Il dit, par exemple, que la commission doit traiter les demandes « le plus rapidement possible », mais sans préciser ce que cela signifie. Le projet de loi dit aussi que la commission doit fournir « régulièrement » des mises à jour au demandeur, mais, une fois de plus, le terme « régulièrement » n’est pas défini, ce qui risque de causer de la confusion.
Par ailleurs, le projet de loi C-40 crée le poste de coordonnateur des services aux victimes, mais sans préciser s’il sera occupé par un employé à temps plein ou à temps partiel ou par un contractuel. Il ne précise pas non plus quel sera le salaire du commissaire en chef et des autres commissaires; il indique seulement que la rémunération sera « fixée par le gouverneur en conseil », c’est-à-dire par le Cabinet.
(1810)
Plus tôt dans la journée, j’ai finalement reçu la réponse suivante, préparée par le gouvernement, à la question sur la rémunération que j’ai posée au sénateur Arnot il y a trois semaines. Cette réponse est la suivante :
L’échelle salariale se situe entre 180 500 $ (minimum) et 464 800 $ (maximum). L’échelle salariale pour les quatre à huit autres commissaires utilisera la même « rémunération pour le groupe GC en 2024-2025 », mais en commençant et en terminant à des niveaux inférieurs.
Il s’agit d’une fourchette de 284 000 $.
Le projet de loi C-40 n’indique pas combien de commissaires devraient être bilingues ou entendre les affaires dans les deux langues officielles. Bien que le projet de loi indique que tous les Canadiens devraient avoir un accès facile à la commission, il ne fournit pas de détails ou de ressources pour faciliter la communication avec les Canadiens des collectivités éloignées et du Nord. En outre, le projet de loi ne précise pas comment la commission doit renvoyer les questions relatives à une demande à une cour d’appel pour qu’elle rende une décision, ni ce que la commission doit faire de la réponse de la cour.
Voici une autre prétendue réponse préparée par le gouvernement Trudeau que j’ai reçue aujourd’hui — trois semaines plus tard. Les questions que j’ai posées au sénateur Arnot étaient les suivantes :
Combien de temps faudra-t-il avant que la commission puisse commencer ses travaux? Est-ce que ce sera des mois? Des années? Quel est l’échéancier prévu?
La réponse préparée par le gouvernement est la suivante :
Après l’adoption du projet de loi C-40, le démarrage initial nécessitera l’embauche des commissaires en chef, des commissaires et du personnel, ainsi que l’établissement d’un ou de plusieurs bâtiments ou d’une ou de plusieurs bases d’opération. En outre, la commission devra établir des politiques et des pratiques internes et consulter les intervenants pour établir des protocoles.
Aucun délai n’a été précisé. On pourrait penser que si le gouvernement prend trois semaines pour envoyer une réponse à la porte-parole du Sénat pour le projet de loi, il pourrait au moins essayer de répondre à la question.
Pour en revenir à mes autres préoccupations concernant le projet de loi, bien que la commission puisse suggérer un appel au tribunal, elle n’a pas le pouvoir de renvoyer un demandeur pour un pardon ou une suspension de casier judiciaire, comme l’avait recommandé le rapport original des juges. Le projet de loi C-40 stipule que le ministre doit tenir compte de « la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale », mais il ne mentionne que les délinquants autochtones et noirs.
L’énoncé concernant la Charte que le gouvernement a fourni sur ce projet de loi est assez mince, tout comme son document d’Analyse comparative entre les sexes Plus. Curieusement, ce document n’a pas grand-chose à dire sur les femmes. Il ne contient même pas de statistiques de base sur le nombre de femmes victimes d’actes criminels, alors qu’il en donne pour certains autres groupes.
Le sénateur Arnot a déclaré dans son discours à l’étape de la deuxième lecture que parmi les 30 personnes sur 200 qui, au cours des 20 dernières années, ont été renvoyées devant les tribunaux au motif d’erreur judiciaire, aucune n’était une femme. Il a fait remarquer que cela signifiait que les femmes en tant que groupe étaient négligées par le système actuel d’examen des erreurs judiciaires. Le document de l’analyse comparative entre les sexes plus ne mentionne même pas le nombre de femmes condamnées au Canada. Honorables sénateurs, même une recherche rapide sur Google permet de déterminer que, en fait, les femmes ne représentent que 6 % des délinquants sous responsabilité fédérale au Canada. Sachant cela, combien de demandes nous attendrions-nous à recevoir de ce groupe?
Les facteurs qui mettent les Canadiens vulnérables en contact avec le système de justice pénale sont nombreux, variés et complexes. Étant donné que c’est la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales et la Journée mondiale de la santé mentale, je tiens particulièrement à attirer l’attention du Sénat sur le libellé méprisant de l’analyse comparative entre les sexes plus faite par le gouvernement Trudeau concernant les Canadiens qui vivent avec une maladie mentale. Il se lit comme suit :
Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2012, les Canadiens présentant un trouble mental ou un trouble lié à l’usage d’une substance sont dix fois plus susceptibles d’entrer en contact avec la police pour des problèmes liés à leurs émotions, à leur santé mentale ou à leur usage d’une substance, et quatre fois plus susceptibles d’être arrêtés que les autres Canadiens.
Ils ont des problèmes liés à leurs émotions et à leur santé mentale? Ils sont plus susceptibles d’être arrêtés? Ce langage banalise l’expérience des personnes atteintes de maladie mentale et contribue aux stéréotypes nuisibles qui associent la maladie mentale à la criminalité. C’est un thème stigmatisant récurrent contre lequel je me bats depuis des années en tant que défenseure des personnes ayant des problèmes de santé mentale.
À bien des égards, ce projet de loi soulève une multitude de nouvelles questions. Pourquoi, par exemple, le gouvernement Trudeau a-t-il choisi de réduire les exigences à satisfaire pour conclure à une erreur judiciaire? À l’heure actuelle, le ministre de la Justice peut ordonner une mesure de redressement s’il est « convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite [...] » Le projet de loi C-40 prévoit une norme beaucoup moins stricte selon laquelle la commission doit déterminer :
[...] si elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et si elle estime qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire [...]
Là encore, le projet de loi ne définit pas en quoi consiste l’« intérêt de la justice » et n’indique pas non plus quelles sont les situations qui pourraient nécessiter un appel en raison d’une éventuelle erreur judiciaire, mais qui ne seraient pas dans l’intérêt de la justice.
En outre, dans sa version initiale, le projet de loi C-40 exigeait que tous les recours soient épuisés. Toutefois, les députés du gouvernement libéral au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes ont modifié la disposition de sorte qu’il ne serait pas nécessaire que tous les appels soient épuisés et que la commission ne serait plus une instance de dernier recours. Les requérants pourraient s’adresser directement à la commission s’ils recevaient une décision de justice qui ne leur convient pas, plutôt que de devoir s’adresser à une cour d’appel — démarche qui serait vraisemblablement plus coûteuse pour l’accusé.
Après avoir promis une commission sur les condamnations injustifiées dès 2019, le gouvernement, après des années de réflexion, a rédigé le projet de loi C-40 pour qu’il exige l’épuisement de tous les recours. L’ancien ministre de la Justice, David Lametti, s’est prononcé en faveur de cette exigence lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture. Il a affirmé sans équivoque :
Il est important de souligner que le processus d’examen des erreurs du système judiciaire n’est pas une solution de rechange au système judiciaire ni un autre niveau d’appel. Il prévoit plutôt un mécanisme permettant d’examiner après l’appel de nouveaux renseignements ou éléments de preuve que les tribunaux n’ont pas initialement pris en compte et d’enquêter sur ces renseignements ou éléments.
Son successeur, le ministre Virani, a également témoigné en faveur de cette exigence devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Lorsqu’on lui a demandé s’il craignait que ce projet de loi « ouvre la porte à une avalanche » de nouvelles demandes et de demandes injustifiées, le ministre Virani a répondu :
[...] il y a des facteurs intégrés pour éviter que ces demandes franchissent toutes les étapes. Il faut tout de même respecter des critères de base. Il faut avoir épuisé tous les recours, du moins devant une cour d’appel ou, dans certains cas, jusqu’à la Cour suprême du Canada.
Si l’obligation d’épuiser les possibilités d’appel constituait une protection contre les demandes frivoles ou sans fondement, pourquoi le gouvernement l’enlèverait-il? Le gouvernement Trudeau et son ministre de la Justice devront se justifier.
Dans son discours à la Chambre des communes, l’ancien ministre de la Justice, M. Lametti, a dit que de 2003 à 2023 — une période de 20 ans —, le ministre de la Justice n’a reçu que 187 demandes au total. Dans le cadre de la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire créée par ce projet de loi, le gouvernement Trudeau prévoit recevoir 250 demandes par année. Ce sera un bond énorme.
Si la commission n’accorde pas l’un des deux seuls recours possibles — soit un nouveau procès ou une nouvelle audience, ou le renvoi de l’affaire à une cour d’appel —, alors elle doit rejeter la demande. Encore une fois, le projet de loi C-40 ne contient aucune disposition permettant à la commission de recommander un pardon ou une suspension du casier judiciaire.
La commission d’examen des erreurs du système judiciaire doit rester un recours extraordinaire. Si cette commission recommande de nombreux nouveaux procès avant que les affaires aient fait l’objet de tous les mécanismes d’appel possibles, la crise des délais judiciaires du gouvernement Trudeau ne sera qu’aggravée par un déluge d’affaires qui inondera le système. Ce qui vient aggraver le problème, c’est que le gouvernement Trudeau a fait preuve d’une négligence totale dans la nomination des juges au Canada. Cela fait huit ans et demi que je tire la sonnette d’alarme à ce sujet. Ces nominations sont sous le contrôle exclusif du gouvernement Trudeau, mais il n’arrive toujours pas à maîtriser la situation. Le nombre de postes vacants dans la magistrature a atteint des niveaux scandaleux sous l’ancien ministre de la Justice, M. Lametti, mais il reste obstinément élevé. Ce mois-ci, il y en a encore 52.
L’année dernière, le juge en chef de la Cour suprême du Canada, Richard Wagner, a même pris la mesure extraordinaire d’écrire au premier ministre Trudeau, qualifiant la situation actuelle d’« intenable ». Il a signalé que les vacances au sein de la magistrature contribuaient à la crise des délais judiciaires, qui peut conduire à la libération de criminels dangereux et miner la confiance dans le système judiciaire. Il a déclaré :
Nous craignons sérieusement que, sans des efforts concrets pour remédier à la situation, nous atteignions très bientôt un point de non-retour dans plusieurs juridictions. Les conséquences feront les manchettes et seront graves pour notre démocratie et l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Si le gouvernement Trudeau tient vraiment à éviter que les erreurs judiciaires inondent le pays, il devrait commencer à nommer des juges pour présider aux tribunaux et faire en sorte que justice puisse être rendue.
En terminant, le projet de loi C-40 donne à la commission le pouvoir qui incombe actuellement au ministre de la Justice, dans le but de rendre le processus plus rapide et plus efficace. Il s’agit d’un objectif louable, surtout si l’on considère l’immense souffrance de personnes qui, comme David Milgaard, ont été privées de leur liberté et ont passé des décennies de leur vie emprisonnées à tort pour des crimes qu’elles n’ont pas commis. Personne ne souhaite voir des innocents reconnus coupables. De toute évidence, le Canada a le devoir de remédier à ces situations le plus rapidement possible.
Ma principale préoccupation à l’égard de cette mesure législative, c’est que le projet de loi C-40 manque de détails et qu’il laisse de nombreuses questions sans réponse. En outre, je trouve qu’en abaissant le seuil requis pour déterminer une erreur judiciaire, le gouvernement Trudeau fait fausse route. Cela pourrait, à terme, entraîner une foule de problèmes que le gouvernement n’a pas su prévoir.
(1820)
De toute évidence, le projet de loi C-40 devra faire l’objet d’un examen minutieux en comité et, en tant que vice-présidente du Comité des affaires juridiques du Sénat, j’ai l’intention de m’assurer qu’il en sera ainsi. Notre objectif au Sénat devrait être d’adopter les meilleurs projets de loi qui soient. J’espère donc que tous les sénateurs se joindront à moi pour examiner attentivement ce projet de loi avant de l’adopter au Sénat.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Loffreda, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
[Français]
Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial
Vingt-cinquième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Recours au Règlement—Décision de la présidence—Retrait de l’article
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cotter, appuyée par l’honorable sénateur Woo, tendant à l’adoption du vingt-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 20 juin 2024.
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je suis prête à rendre une décision sur le rappel au Règlement soulevé par le sénateur Plett le 3 octobre 2024 concernant la recevabilité de certains amendements proposés au projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, dans le 25e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Le leader de l’opposition a soutenu que les amendements proposés par le sénateur Klyne, le parrain du projet de loi, en comité, et contenus dans le rapport, dépassent la portée du projet de loi tel qu’approuvé par le Sénat à l’étape de la deuxième lecture. Si c’est le cas, ils ne peuvent pas être correctement devant le Sénat. Le sénateur Klyne, quant à lui, a estimé que le Sénat devrait poursuivre son étude des amendements qu’il a proposés. Je remercie les deux sénateurs, ainsi que la sénatrice Batters qui a également participé à l’examen du rappel au Règlement, pour leur contribution réfléchie sur une question importante.
Comme les sénateurs le savent, les amendements à un projet de loi doivent respecter le principe du projet de loi et sa portée, et doivent être pertinents au projet de loi. Tel qu’indiqué dans une décision du 9 décembre 2009 :
En général, on considère que le principe d’un projet de loi est l’idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues. Enfin, la pertinence concerne la mesure dans laquelle un amendement se rapporte à la portée ou au principe du projet de loi à l’étude.
Tel qu’indiqué à la page 141 de La procédure du Sénat en pratique, cela signifie que :
Les amendements doivent ... avoir un lien quelconque avec le projet de loi à l’étude et ne peuvent introduire un élément ou facteur qui lui est étranger ou qui va à l’encontre de ses buts originaux. Ils doivent aussi respecter les objectifs du projet de loi. Pour juger de ces questions, il peut être nécessaire de se livrer à un exercice délicat, soit tenter de définir l’orientation et les objectifs fondamentaux du projet de loi. Pour ce faire, on pourra tenir compte de facteurs comme le titre intégral du projet de loi, sa teneur et le débat à l’étape de la deuxième lecture.
On peut donc tenir compte de la compréhension qu’ont les sénateurs du projet de loi, telle qu’exposée lors du débat en deuxième lecture, lorsqu’on effectue cette analyse. Comme le prévoit l’article 10-4 du Règlement, le principe du projet de loi est examiné à ce stade. Toutes les délibérations ultérieures peuvent être limitées par la décision sur le principe — et par les questions de portée et de pertinence qui en découlent — prise lorsque le Sénat approuve un projet de loi à cette étape. Aucun sénateur ne peut déterminer à lui seul si les amendements peuvent aller au-delà de ces paramètres.
Le fait qu’un comité adopte un amendement qui ne respecte pas le principe et la portée d’un projet de loi, ou qui n’y est pas pertinent, ne signifie pas que l’amendement ne peut être remis en question au Sénat. Même si on dit souvent que les comités sont maîtres de leurs procédures, ils doivent fonctionner dans le cadre des règles et pratiques du Sénat. Bien que cela soit rare, il y a eu des cas où un amendement apporté en comité a été contesté alors que le rapport était à l’étude au Sénat. Une fois le rapport adopté, une telle contestation n’est évidemment plus possible, puisqu’il s’agit de remettre en cause une décision du Sénat lui-même.
Ainsi, bien qu’il soit possible pour un comité de proposer des changements importants à un projet de loi, le comité doit le faire dans le cadre des règles et des pratiques du Sénat, y compris le respect du principe, de la pertinence et de la portée.
Lors de l’examen du rappel au Règlement, des inquiétudes ont été exprimées quant au fait de considérer les amendements contestés comme irrecevables, car cela pourrait avoir pour effet de restreindre indûment la flexibilité dont le Sénat et ses comités ont besoin. À cet égard, il convient de souligner que ces règles contribuent à assurer la structure et l’ordre des débats et qu’elles ne sont pas indûment contraignantes. À moins qu’un collègue ne soulève un rappel au Règlement, le débat se poursuivra presque toujours. Même si un rappel au Règlement était soulevé, il est tout à fait possible que les amendements en question soient jugés recevables. Le Sénat n’a pas choisi de s’imposer un système rigide de vérification préalable ou de validation des amendements et, dans la pratique, cette question ne se pose que très rarement, et seulement si un sénateur la soulève.
Dans le cas qui nous occupe, bien sûr, une telle préoccupation a été soulevée. Le contenu du projet de loi S-15 est clairement structuré autour des questions relatives aux éléphants et aux grands singes. C’est ce dont traite le projet de loi. Au cours du débat en deuxième lecture, les sénateurs se sont concentrés sur ces questions. Il convient également de noter que certains sénateurs ont établi une distinction claire entre le projet de loi S-15 et le projet de loi S-241, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (grands singes, éléphants et certains autres animaux). Bien que le projet de loi S-15 ait été présenté comme s’inscrivant généralement dans le cadre du projet de loi S-241, il a été reconnu qu’il avait une portée beaucoup plus étroite, afin de prendre en compte les préoccupations qui avaient été notées lors de l’examen de ce dernier projet de loi.
Le fait de transformer une proposition portant sur deux types d’animaux exotiques, élaborée à des fins précises à la lumière de notre régime constitutionnel, en une mesure susceptible d’englober une liste ouverte d’espèces, sur la base de décisions du gouverneur en conseil et allant bien au-delà des éléphants et grands singes, serait une évolution surprenante. L’objectif peut être souhaitable ou non — c’est à chaque collègue d’en décider — mais une telle transformation ne peut pas être soutenue par le cadre du projet de loi S-15 tel qu’il a été présenté ou par la compréhension de ses objectifs et de sa structure qui étaient évidents lors du débat en deuxième lecture. Les amendements contestés dans le cadre du rappel au Règlement ne sont donc pas recevables, dans la mesure où ils vont au-delà de la cible initiale du projet de loi, à savoir les éléphants et les grands singes.
Cette analyse ne résout toutefois pas la question, car il faut également examiner la mesure de suivi qui s’impose. Dans nos cas récents, lorsque des rapports de comités contenaient des amendements dépassant la portée d’un projet de loi, tous les amendements étaient impliqués. Le contenu du rapport pouvait donc être évacué, et les projets de loi sont passés à la troisième lecture sans amendement. Étant donné que certains amendements contenus dans le rapport dont nous sommes saisis n’ont pas été contestés, cette option ne semble pas appropriée dans le cas présent.
La présidence voit donc trois options possibles. Premièrement, le Sénat pourrait poursuivre le débat sur le rapport, avec la limitation que la question ne peut pas être mise aux voix si le rapport reste dans sa forme actuelle. Cela nécessiterait qu’un sénateur propose un amendement pour supprimer les propositions qui dépassent la portée du projet de loi. Cette approche pourrait entraîner une certaine confusion quant à la nature exacte de la question traitée par le Sénat et quant à savoir si les modifications sont suffisantes pour garantir le respect de la portée.
Une autre approche — qui reflète la manière dont la Chambre des Communes a déjà traité cette question — serait que la présidence ordonne que les éléments impliqués soient supprimés du rapport. Cette approche ne serait toutefois pas conforme à la culture de notre institution, où les sénateurs sont généralement responsables des travaux, aidés par la présidence dans la conduite ordonnée des travaux. En outre, il convient de noter que certains éléments du rapport semblent contenir des dispositions qui sont irrecevables et d’autres qui ne le sont pas. Ainsi, la présidence est peu disposée à s’arroger un tel rôle dans le cadre d’un rapport long et complexe.
Tout bien considéré, il semblerait que l’approche la plus appropriée, dans ce cas particulier, serait que le rapport et le projet de loi soient renvoyés au comité. Cela permettrait au comité, qui dispose de l’expertise nécessaire, de corriger le rapport en supprimant les éléments qui vont au-delà de la portée du projet de loi. Le comité serait le mieux placé pour se prononcer sur les cas complexes à la lumière de ses travaux antérieurs sur le projet de loi. Bien que le comité puisse décider de la manière dont il souhaite procéder, ce travail pourrait être relativement limité, le comité n’ayant qu’à revoir le rapport, supprimer les dispositions qui ont été contestées dans le rappel au Règlement, apporter les ajustements nécessaires et adopter un nouveau rapport sur le projet de loi pour présentation au Sénat. Il ne serait pas nécessaire pour le comité de refaire l’étude article par article, à moins qu’il ne décide de procéder de cette façon.
La décision est donc que les amendements contestés dans le rappel au Règlement ne sont pas correctement soumis au Sénat. Pour permettre au comité de corriger cette situation, le rapport doit être rayé de l’ordre du jour, et renvoyé avec le projet de loi, au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, afin que celui-ci puisse apporter les corrections nécessaires et présenter un nouveau rapport qui respecte la portée du projet de loi. Ce nouveau rapport pourrait, bien entendu, être contesté à son tour si un collègue développait des arguments solides selon lesquels le résultat dépasse toujours la portée du projet de loi.
(1830)
[Traduction]
L’honorable Marty Klyne : Votre Honneur, je suis conscient du travail qui a été fait et je dois respecter votre décision. Comme vous le suggérez dans votre conclusion, je ferai rayer le rapport de l’ordre du jour. Nous le renverrons au comité pour qu’il le corrige et nous le ramènerons sous une forme corrigée.
(En conséquence, le vingt-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est rayé de l’ordre du jour et renvoyé, avec le projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, au comité.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5k) du Règlement, je propose :
Que la séance soit suspendue jusqu’à nouvelle convocation de la présidence pour attendre l’annonce de la sanction royale, et que la sonnerie pour la convocation des sénateurs se fasse entendre pendant cinq minutes.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(La séance du Sénat est suspendue.)
[Français]
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1850)
La sanction royale
Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 10 octobre 2024
Madame la Présidente,
J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 10 octobre 2024 à 18 h 26.
Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.
Secrétaire du gouverneur général,
Ken MacKillop
L’honorable
La Présidente du Sénat
Ottawa
Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 10 octobre 2024 :
Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale) (projet de loi S-205, chapitre 22, 2024)
Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels) (projet de loi C-291, chapitre 23, 2024)
Loi concernant l’assurance médicaments (projet de loi C-64, chapitre 24, 2024)
[Traduction]
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5g) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 22 octobre 2024, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Banques, commerce et économie
Autorisation au comité d’étudier le cadre de la politique monétaire du Canada
Consentement ayant été accordé de passer aux motions, article no 223 :
L’honorable Tony Loffreda, conformément au préavis donné le 1er octobre 2024, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie soit autorisé à examiner le cadre de la politique monétaire du Canada et à en faire rapport, en ce qui concerne les mises à jour potentielles :
a)mandat législatif et public;
b)de la cible d’inflation opérationnelle;
c)des mesures privilégiées de l’inflation;
qui pourraient être envisagées dans le cadre du prochain renouvellement du cadre de la politique monétaire de la Banque du Canada en 2026;
Que le comité fasse rapport de ses conclusions au Sénat de temps à autre, mais au plus tard le 30 juin 2025;
Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès de la greffière du Sénat les rapports portant sur cette étude, même si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) propose :
Que la séance soit maintenant levée.
— Votre Honneur, la journée a été longue. La semaine a été longue. C’est bientôt l’Action de grâces. Des dindes attendent déjà dans les ailes. Cela dit, Votre Honneur, je propose en tout respect que le Sénat s’ajourne maintenant.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 18 h 59, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 octobre 2024, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 22 octobre 2024, à 14 heures.)